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5 novembre 2010 5 05 /11 /novembre /2010 11:19

 

 

 

49.

 

 

Lâchons au vent les feuilles d'or, sitôt écrites !        Tant qu'il nous en reste à lui fournir          nous tromperons peut-être, un certain temps,

 

La gueule ouverte d'Anubis !        Tiens, Seigneur des Nécropoles, tiens, ô Chien Noir !      Je t'offre celle-ci, que colore mon sang à peine refroidi !       Et cette autre, à happer en pleine trajectoire de vertige !

 

Je bouge encore,          malgré les bandelettes où la solitude, chaque jour, dessine un nouveau hiéroglyphe !       Malgré la sève ralentie.        Malgré la pesanteur des soirs,          mer assoupie où sombre la clarté de nos rêves lunaires.

 

Malgré la chambre sépulcrale,       sa voûte constellée,        avec ses astres noirs qui se nourrissent des échos languissants de ma voix.       Malgré les orties d'ombre qui tapissent le plancher,       les formes fragiles de ma mère et de mon père que, du coin de l'oeil,        je vois s'esquiver par une porte dérobée,

 

Mais si, pour les suivre, on approchait l'endroit,        tandis que déjà s'éteint la rumeur d'inconcevables hypogées,       en tâtonnant notre main d'orphelin ne trouverait qu'un mur lisse et intact !

 

Envolez-vous donc au vent froid, mes prières dorées !       Allez nourrir, en pourrissant strate après strate,       le terreau noir.       Il se pourrait qu'en un lointain futur,        il soit ensemencé par ceux qu'un poète nomma « d'autres horribles travailleurs ! »

 

Quant à moi, l'aventure approche de sa fin ;       aux quatre vents, j'offre sans illusions le peu de vie et d'amour qui me restent...       Déjà belle lurette

 

Que je n'ai plus souci de savoir si je suis utile ou non,         si je traverserai l'hiver,        et si l'on m'aime ou si l'on me déteste !

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4 novembre 2010 4 04 /11 /novembre /2010 10:37

 

 

48.

 

Automne, comme un au-delà,      comme le seuil d'un autre site !       Comme on franchit l'étroit ruisseau, et l'autre rive est un pays changé !       Châteaux sur le sommet des pentes - et chapelles en-bas rougissant l'eau dormante !

 

La grâce en ses voiles de lin léger vous accueille,        arôme de verveine, fringantes brassées de lis !       Les brumes estompent le panorama, en assourdissent les échos ;        à pas feutrés s'esquivent les bêtes pensives.

 

L'on ne devine ici que passages, métamorphoses.        Papillon bleu, ce coin de ciel, effleurant la nappe du marécage !       La nature dans nos regards glacés cherche la source de son trouble.

 

Larmes de crocodile !       Novembre regroupe l'alphabet des traînards et chasse vers le sud les attardés de l'été,        qui survolent, criards en pleine mer, les épingles divergentes des navires ;

 

Et qui les aperçoit, V et Y hauts dans l'azur, songe à Nils Holgersson,       bras enlacés autour du cou d'Akka de Kebnekaise,        à la ligne courbe de l'horizon,        puis avec un soupir ressaisit son faubert pour essarder le pont !

 

Automne, comme un au-delà,       avec régate des bouleaux, hêtres ou châtaigniers,        hissant au vent de toutes parts leurs innombrables pavillons orange !        ...Mais que nous reste-t-il à sauvegarder ?...

 

Le poète en son ermitage s'acharne sur des vers que personne n'écoute.       Et l'humanité, saturée de discours et d'images,         à tombeau-ouvert,        fonce les yeux fermés vers un précipice d'argent.

 

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2 novembre 2010 2 02 /11 /novembre /2010 16:44

 

 

 

47.

 

J'imagine là-bas, dans le village dévasté,        ce paisible troupeau des marbres,       et les allées-venues de gens connus ou inconnus,     les bras serrant des chrysanthèmes,         sur le gravier crissant du cimetière.

 

Il paraît que la planète se réchauffe.        Et pourtant, il te semble être entré dans un monde glacé, (celui qui s'annonçait jadis,)        et, dans ce monde-là, plus rien à partager avec personne !

 

Prolifique, l'humain abonde.      Les animaux se raréfient.         Les mers se vident.        Disparaissent les plantes et les forêts.         L'internet et les stations orbitales inaugurent des âges obscurs.

 

D'immenses cités sucent le jus noir de la terre.       Rêvent de coloniser Mars.      Sur l'autre versant des choses,       on ne parle que de la Crise.      Des fous

 

Se font exploser au coeur de la foule.        Sang et ambulances de tous les côtés.      Un chien hurle et s'enfuit, queue basse, à travers la rue grouillant de jambes en folie.        Loin de la ville, des paysans grattent dans la poussière rouge.

 

Fini de vouloir s'envoler aux frontières,         rejoindre les dunes fleuries de soleils pareils à de grands chrysanthèmes,         quand les gens du matin replient leurs tentes       et que s'ébranlent, surchargés, les chameaux anguleux !

 

Fini de jeter du blé sur les sépultures        blanchies à la chaux      qui s'arrondissaient face à l'océan vert !        Les monts argentés qu'on voit, du balcon de l'hôtel,        scintiller à l'aplomb des palmeraies !

 

Restent les meubles à l'odeur de cèdre,       l'ordinateur éclairé sur le bureau,       Aïlenn occupée dans la pièce voisine,        l'Astragalizonte

 

Qui relance ses osselets depuis deux millénaires,         et moi,        ce jour de Toussaint,        en train d'imaginer, là-bas, les allées-venues de gens connus ou inconnus, tous serrant des chrysanthèmes,         sur le gravier crissant du cimetière.

 

 

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2 novembre 2010 2 02 /11 /novembre /2010 10:52

 

 

46.

 

Je ne suis pas venu, ô fragile, ô ma Mère...       Prisonnier

 

D'un réel dont les illusions se détachent,      et tapissent, feuille sur feuille,       le fond de ma mémoire ainsi que le tilleul de notre ancienne cour,

 

Je ne suis pas venu me recueillir sur le caveau qu'écrase une montagne de nuit,         avec sa stèle aux trois pavots, toute zébrée de pluie,       et non loin d'elle cette dalle à l'abandon        que fleurissent l'ortie, le chiendent et la belladone.

 

Ô Mère – petite et fragile -      qui ne dors pas, je sais, mais reposes,        indifférente à la noirceur humide,        et purifiée de tes angoisses !

 

Rien ne réveillera d'un faux sommeil       la pierre qui protège tes reliques !

 

Les orages ne t'atteindront plus,       la foudre ne te fera plus trembler,          comme aux heures où tu veillais le fils épuisé par la fièvre....

 

Je ne suis pas venu,      flûtant berger des tombes immobile,        saluer la fiction qu'en tel endroit précis,      je pourrais m'adresser à ton âme spectrale

 

Tandis qu'entre les arbres jaunes,       le vent souffle à mon visage une haleine de myrtes et de joncs pourris.

 

Ô Mère – petite et fragile -      qui ne dors pas, entre les os de toute notre parenté,       mais qui ne veilles pas non plus,

 

Excepté dans mes souvenirs,     que l'invisible temps, couche sur couche,        éloigne ainsi que des barques vers l'horizon,        et peu à peu fait pâlir tristement.

 

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1 novembre 2010 1 01 /11 /novembre /2010 10:49

 

50.

 

L'autodafé des hêtres et des chênes éclaire les pentes.          La flamme, sentence d'exil,         qui s'élançait naguère

 

Du monticule de brouillons qui préludait à ton départ          avait la même nuance orangée !

 

Tout ce travail pour quelques pages publiées,         à peine lisibles, à peine lues !            (Mais férocement critiquées !) De quoi exténuer ton souffle au coeur !

 

Le vent de l'Atlantique soulevait les cendres puis les emportait vers l'horizon...

 

C'était novembre au large où,        parmi la turquoise et les risées verdâtres,          des cargos patientaient en trépignant sur leurs sombres reflets.

 

Bribes consumées, esquilles grises de pensées,          tout ton pays mental, ses erreurs, ses folies, ses jeux de mots, son soleil omniprésent,

 

Tout s'envolait avec cette légèreté des choses dérisoires,

 

Et lorsque ta main,    au passage,       happait par jeu l'aile de l'un de ces papillons noirs survolant les fumerolles,

 

Entre tes doigts, il n'en restait,          au lieu de cette poudre d'or dont tu rêvais,       qu'une poussière, impalpable et terne,         la même qui sans doute restera de toi

 

Et qu'on dissipera sur les eaux glauques de la Seine au lendemain de ton décès !

 

 

 

 

51.

 

Toussaint ! Ces jours de ciel plombé,        sous le versant faible de ta lampe de sel,        tu les détestes !           Jusqu'aux meubles qui sont tristes : leur bois assombri

 

Fait songer au plumage d'un oiseau malade !     Les tableaux, sans lumière, se morfondent aux murs !        Les images,

 

C'est bien joli !      Mais, quand le ciel est une vaste ecchymose,          comment pourraient-elles acclimater du poème ?

 

Tout ce qui a depuis longtemps mûri est à cueillir,           à ranger dans les greniers aux poutrelles de hêtre.

 

Affections, aveux aux joues rosies par l'air vif, projets latents,       rosiers et vignes déserts,         corneilles blettes en plein champ, sombres fruits tombés des frondaisons de l'orage,        à quoi il faut ajouter quelques déchirures de ciel bleu surnageant dans la source...

 

Que de choses à disposer au long des étagères du langage !          Ô rigueurs de l'avenir !            Mais quel bonheur n'aurons-nous pas à parcourir des yeux,           quoique ridées,      les reinettes alignées queues en l'air ;         les bocaux hermétiquement clos ;        les toupines bondées d'oeufs qui baignent dans le sel et l'eau de chaux...

 

Lorsque s'abattra le suaire des hautes neiges,       calfeutrés dans la maison,         nos coeurs appareilleront vers la Nébuleuse du Scrabble :

 

Ô sagesse !      Ô génie, habile à se contorsionner comme une salamandre parmi les flammes de l'âtre !         Ô chaleur des amitiés rapprochées !        L'éclat pourpre

 

D'un vin vieux tremblera dans les verres.      Qu'importeront alors les cristalleries de l'hiver,       illustrant la froideur du paysage,        les fenêtres embuées,           les soleils aux pâleurs de lunes !

 

L'amour réchauffera nos draps glacés ;         l'intimité des corps restaurera tous les printemps et les étés.         Dans tes regards,

 

Je lirai que, depuis longtemps,         nous ne dépendons plus des saisons.

 

 

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29 octobre 2010 5 29 /10 /octobre /2010 10:19

 

 

45.

 

Par-dessus la nuit ravauder ta pensée d'hier à celle d'aujourd'hui         devient tâche impossible !       Tout ce qui te semblait d'or, hier,       après quelques heures de noir sommeil,       est tombé dans l'évanescence.

 

Raccorder celui que tu fus,       auquel le vent a fait peu à peu perdre tous ses songes,       à celui qui, ce matin, ressuscite du fond des siècles,

 

La tête encore étourdie d'une vision de galaxies tourbillonnantes,       de chausses-trapes, de miroirs,       de l'arôme du datura, de chansons d'anges musiciens,         comment serait-ce possible ?

 

Telles ces truites qu'on tentait malgré les eaux glaciales,           de saisir au sein de cette transparence entre les pierres        et soudain leur muscle luisant s'échappait de nos mains avec une vigueur insoupçonnée,       tandis que nos visages,

 

Poupins encore,      se détachaient en clair       sur les ondulations sombres de la forêt à la surface du torrent,

 

Ainsi ce qui traînait dans ton esprit, hier soir,       que tu t'étais juré de ne pas oublier,

 

D'une claque d'argent a replongé dans le courant        et disparu sous l'une ou l'autre pierre du langage,       et tu t'efforces vainement

 

De remettre dessus la main de ton esprit,       mais les trous de l'inconscient sont de profonds refuges        alors que déjà l'élan de l'onde emporte

 

Les lancinants chagrins        et les regrets des choses mortes...

 

 

 

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29 octobre 2010 5 29 /10 /octobre /2010 10:15

 

 

44.

 

 

En silence,       un daim traverse le sentier,       enjambant délicatement de ses pattes graciles,       (peut-être par respect des flocons blancs de leur livrée qui lui inspirent comme un vague sentiment de parenté !)

 

Un superbe clan d'amanites tue-mouches       qui vient de pousser dans la nuit...

 

Vision merveilleuse de grâce et de beauté...        Son étroit museau noir        verni par l'eau du ruisseau proche,       ses yeux andalous aux prunelles profondes         qui laissent entrevoir

 

Une sagesse supérieure à celle des humains :       celle des vivants qui se sont abstenus        d'aller se fourvoyer        sur les mêmes chemins que nous !         Et tu cherches au fond de toi

 

La source incomparable de cette beauté       dont ton regard a revêtu un animal sauvage,       une poignée de champignons,       et la forêt à demi-dépouillée.

 

Tu sais que la poésie est ce moment où ton langage,        à force d'être singulier,        au fond du gouffre que tu es rejoindra l'essence de l'Humanité ;

 

Que dans cette beauté qu'ils ne sont pas,      les hommes,     au travers de ta formule,      trouveront la beauté qu'ils sont,       car si ce n'est pas la beauté qui pétrifie

 

Le geste mortel du chasseur,       qui donc arrêtera la balle du fusil ?

 

 

 

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28 octobre 2010 4 28 /10 /octobre /2010 10:28

 

 

43.

 

Par quel effet d'un sort incompréhensible,        après plusieurs lustres,

 

Es-tu tombé dans l'automne         comme une feuille morte par le vitrail brisé d'une basilique abandonnée,        une main de cuivre

 

Que le caprice du courant d'air       plaque contre un tabernacle        et, par mimétisme,       amène à se fondre dans le vieil or des autels baroques         ou la pourpre éteinte des tentures...

 

Depuis toutes ces années que malédictions et bénédictions        pleuvent sur ta tête,        tu aspires à rejoindre au fond de toi         ce sanctuaire souterrain où règne, un rameau d'or en travers de ses seins,        une beauté douce

 

Qui te dédie un énigmatique sourire        à la manière d'un de ces Bouddhas qu'on découvre au plus reculé de la forêt vierge,        dans l'ombre ruinée d'un temple khmer.

 

Mais elle garde les yeux bien ouverts !       Sous l'eau lucide, ineffable,        de son regard clair,        un abîme se creuse,        ancien comme Ea, portant sur l'épaule       son cortège d'arbres que broutent les capricornes,      de rivières où ruisselle un vif-argent de poissons !

 

Depuis toutes ces années...      Ce sanctuaire,       où circule un vent lumineux qui dans un murmure attire à lui cette sorte de main de cuivre,      ouverte,      que tu appelles quelquefois ton âme        et qui tourbillonne au gré du sort, entre les bénédictions

 

Et les malédictions qui pleuvent sur ta tête...

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27 octobre 2010 3 27 /10 /octobre /2010 12:43

 

 

42.

 

Tel un arbre itinérant        qui se vêt de ses plus beaux moments,         ultime floraison, ultime profusion de fruits, ultime chasuble dorée,

 

Tu t'avances sur la future blancheur,       à la manière de quelqu'un, les bras encombrés de chrysanthèmes,        dont le pas fait crisser l'allée claire d'un cimetière,

 

Réveillant les spectres bleus cachés derrière les buissons de brumes erratiques...

 

Un hêtre itinérant, oui,       qui ne sait marcher que dans ses rêves !          Qui pourpre essaime à l'automne       et se concentre pour franchir la barrière du gel,         après les épreuves de tant de saisons,        malgré sa sève amenuisée !

 

Au bord de l'étang où l'on voit carpes et brochets gober une couvée de nuages,        sur un seul pied, arbre échassier au plumage cardinalice,        quelle cour de cytises te presse !

 

L'âme d'une impossible flamme y ourdit des grappes couleur de soufre            capables d'embaumer la prochaine résurrection :          lorsque l'étang après avoir durci comme du sel

 

Redeviendra mobile et brillant comme du mercure ;           lorsque les arbres porteur de lunes         après Noël rejoindront la saison qui les harnache de mille soleils !

 

Alors peut-être toi,       comme la pierre de Milosz au fond de l'eau,         ramassé en ta propre transparence, tu luiras

 

D'une sorte d'éclat philosophal.

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27 octobre 2010 3 27 /10 /octobre /2010 12:15

 

 

41.

 

Tu disposes ta syntaxe de miroirs         parmi les feuilles qui tapissent l'étendue.          Fragile construction semblable à ce brick transparent qui traverse tes songes !

 

Ô profusion de vagues nervurées,        mer de soleils couchants !        L'étrave de ton langage se berce du moindre souffle,       court sur son erre,       tangue au sein de sa propre immobilité !

 

Que l'on t'attache au mât,      toi qui ne peux résister au chant de la Sirène !         Toi qui as de justesse échappé à Charybde,          et qui sais que Scylla trame son malström à l'horizon !

 

Vertigineux vortex qui tout entraîne vers l'abysse !        La feuille montée verte,      se charge de silence et de soleil,         se détache sous le poids de son propre sang,     tombe en spirale, avec lenteur,       plus bas qu'elle ne fut jamais,

 

Et se dépose sur la sombre sédimentation des siècles,        ajoutant son réseau squelettique à tous ceux des feuilles qui l'ont précédée        au creuset de l'oubli...

 

Tu disposes ta syntaxe de miroirs      parmi les feuilles qui tapissent l'étendue.        En espérant contre toute espérance        y capturer, comme on capturerait un souffle,       cette colombe de pure lumière en laquelle

 

Se résumait ta foi d'enfant,       du temps de ses premiers battements d'ailes.       Et tu attends...

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