13 décembre 2010
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Hivernales 23.
Ecoute dans la nuit le givre t'apporte ses fleurs
Il gratte à la fenêtre griffes de cristal
et muette face d'argent
Il voudrait bien rentrer mais redoute
par dessus tout la rouge colère du poêle
qui tire sur le vent et ronfle sans dormir
Le givre à face de lune ivre
qui titube sur le seuil en faisant craquer le verglas
Petit givre amoureux qui s'obstine
à te fleurir les vitres pour enchanter ton réveil
tandis que tu dors bien au chaud sous les couvertures
ton souffle rythmant le silence
Juste un bout de nez des yeux clos un nid
de cheveux blonds dépassent
Moi je veille en songeant à cette magicienne blanche
Qui parcourt l'hiver en semant sur les branches anuitées
une poudre endiamantée et sans laisser de traces
s'avance à travers le jardin en comptant ses étoiles
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13 décembre 2010
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Hivernales 22.
C'est par moments que la mort nous revient
De ses longs doigts glacés agitant sur nos têtes
ses harpes de neige et ses gris-gris de lenteur
Enfermant un timide soleil dans des cages de gel
ou dans des ronciers d'aubépines selon la saison
et l'astre vire à la teinte d'une vieille rose desséchée
que la pluie a trop souvent rincée
Ô l'heure où les matins découvrent qu'un linceul brillant
trahit l'éternité du paysage en le voilant d'uniformité leucophile
Ô la désespérance plaintive du vent qui voit lui échapper
son rêve de lumière au creux des circonvolutions grisâtres des nuages
Qui oserait encor nous parler de splendeur ou du bonheur de vivre
Sinon quelque fou de poète
n'ayant vécu que pour apprivoiser sa mort
dont l'alchimie occulte aide seconde après seconde
son corps d'homme perclus et recru de souffrances
à se changer en un corps de langage et de signes
hanté de formules absconses et fantomatiques
plus insaisissables que des vampires ou des revenants !
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12 décembre 2010
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Hivernales 21.
Ma vie, mes souvenirs, mes rêves s'effilochent
comme nuages au couchant
comme se défont les notes joyeuses
du troisième concerto pour violon de Mozart
avec un désespoir qui s'efforce d'être heureux
Ou la lumière dans le verre teinté
d'une bouteille de bière Fischer
couleur de pain d'épices
A l'orient la nuit se lève parmi les étoiles
ainsi qu'une brise
parmi les marguerites d'un champ de mai
Mais... c'est l'hiver qui vient
et le poids des flocons s'accumule
sur les toits imperceptiblement
comme les ans sur le Temple des Millions d'Années
Tu ne tiens plus que par le langage - ce français
d'une si limpide beauté que nul ne pourra jamais
éteindre son murmure de source
sans qu'avec lui chez les humains
ne s'éteigne l'humanité...
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11 décembre 2010
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Hivernales 20
Tout est d'un sombre blanc dans cette nuit polaire.
Le blizzard s'est calmé. Les glaciers sont déserts.
Pas un pétrel ! Tous ont quitté le long hiver
Pour quelques fjords du Sud que la clarté solaire
Touche encore, au matin ! En la froide atmosphère
Les monuments du gel reflètent l'éclat vert
Des drapés, suspendus par durables éclairs,
D'une aurore électrique à l'obscure lumière.
Comme s'ébrouerait quelque dieu en courroux,
Las d'être pétrifié sous la surface grise,
Craquent les profondeurs de l'épaisse banquise...
Puis le silence appose un invisible écrou
Sur la morne étendue où, pour toute surprise,
Seul un phoque, furtif, émerge de son trou ....
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5 décembre 2010
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Hivernales 19.
Ô terribles – terribles hivers
Pour me distraire des longues journées sombres
au long desquelles je m'étiolais
Interdiction de sortir toucher la neige
Les copains criaient dans la rue
en faisant des glissades et des batailles
Mon père me lisait - en traduisant à mesure
de l'arabe - les aventures du poète-chevalier Antar
à travers le désert de Syrie
Je m'imaginais moi-aussi secourant
la veuve et l'orphelin
combattant le Vizir Noir
tandis que les flocons tombaient dru
dans la bourrasque en torsades
A force de les regarder par le carreau
je me sentais monter vers le ciel
comme en ascenseur
J'aimais les contes orientaux
la paix qui régnait sur Bagdad
la parole donnée et la foi musulmane
J'y songe encore
comme à un paradis familier
désespérément égaré dans l'Autre Monde
Je sais aujourd'hui ce que signifie
Islam
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5 décembre 2010
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Hivernales 18.
Ô terribles – terribles hivers
Le soit tombait si tôt
Mon père nous faisait la lecture
Autour du poêle il nous apprenait des chansons
en retrouvant les airs avec sa flûte de bois blanc
dans un petit livret
Colchiques dans les prés - Maudit sois-tu carillonneur -
Orléans Beaugency – La perdriole
« Le premier mois de l'année, que donn'rai-je à ma mie ? »
J'entends encore la voix douce qu'il prenait
Nous ignorions alors qu'il existât au loin
un monde de fous-furieux
Cependant les mots même joyeux
étaient chargés d'une indéfinissable mélancolie
Comme le souvenir d'un temps perdu
dont les images floues
nous reviendraient du fond des siècles
J'entendais chuchoter le médecin dans le couloir
Il disait que ma maladie elle-aussi
était indéfinissable et qu'on ne savait pas
si j'y survivrais
J'y ai survécu finalement
Mais la mélancolie est restée
incurable
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3 décembre 2010
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Hivernales 17.
Le froid la neige le verglas
« pluies verglaçantes » dit la radio
« les pneus-neige sont inefficaces
roulez avec un oeuf sur l'accélérateur ! »
« Un bel hiver en perspective »
a dit quelqu'un
Je médite cette phrase
Les skieurs dans la poudreuse
font gicler des gerbes au bas des pentes
Il rentrent pour la fondue
skis sur l'épaule se hèlent à voix forte
effervescents dans le soir violet
pour bien marquer leur joie
Les voitures sont nappées de blanc
sous les réverbères
De jolis flocons tourbillonnent
Agréable week-end Demain
on entendra ronfler des moteurs
on verra fumer les pots d'échappement
claquer les portières
Les gens se feront des adieux
comme s'ils se connaissaient depuis longtemps
Combien parviendront chez eux
sains et saufs ?
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3 décembre 2010
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Hivernales 16.
Une boule de neige nue
entre tes mains étroites
pareille à une pierre blanche
prête à s'envoler
Tu la serres dans tes paumes
Tu la caresses comme un merle apprivoisé
Et ton regard malicieux
se voudrait menaçant
Raté ! J'aime tes éclats de rire
Je fonce et je te prends dans mes bras
Tu feins de te débattre
Nous roulons dans la neige tous deux
Embrassés
Quand nous nous relevons il ne nous manque
qu'un chapeau noir et un balai
avec une carotte pour le nez !
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3 décembre 2010
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Hivernales 15.
Il faudra dire que l'hiver s'est allongé
en travers du seuil
que sa main de vent brutal
secoue la porte et les volets
Qu'il rechigne à nous voir sortir
et fourbit ses rhumes et ses grippes
pour punir les audacieux
Il faudra dire la tiédeur des chambres
ton parfum léger les draps en désordre
qui témoignent de ton corps
alangui à force de spasmes
Il faudra dire cela
simplement
comme devant un miroir
pour que le monde sache bien
que notre amour continue
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3 décembre 2010
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Hivernales 14.
Un feu dans la neige
Nous ferons un feu dans la neige
Des sarments pétillants et le vin
tiendront à distance
la Nuit aux prunelles brillantes
Nous parlerons aux arbres dénudés
qui balancent timides comme des fantômes
Ton visage rayonnera parmi la fourrure
Une mèche échappée du capuchon
se tordra sur ta joue avivée
ta joue rose baiser
Tes petites mains paraîtront
grosses dans les moufles
tandis que tu pousses vers le foyer
les sarments dont la fumée
fuse et chantonne
Tous deux sous les étoiles frissonnantes
au milieu de la neige immense
océan de silence
Jusqu'ici comme une plage traversée
par notre marche parallèle
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