2 octobre 2010
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Si le trajet mystérieux de l’amour va du printemps d’argent durant lequel la Muse vous embrasse follement au grand dam de tous ceux qui n’ont pas un coeur de poète - Oh, ces pleines lunes aux senteurs entêtantes de jasmin, de datura, où s’offrait
L’unique Lis Immaculé, celui qui se referme aux premiers rayons de l’aurore à l’instar de la fleur magique du nopal ! - vers la chute
Je me demande quelque fois s’il ne faudrait pas préférer l’automne d’or, malgré ses teintes d’ecchymose et de blessure, insidieusement accumulées, dont le sang se r’ouvre si facilement et envahit pour un moment le paysage à la façon de ce terrible voile de colère
Qui troubla le regard blanc du criminel à l’instant de son crime, et par la suite l’a laissé face à l’Inexplicable, aussi désemparé que l’enfant qui aurait, de rage, cassé le jouet auquel il tenait le plus !
Tant est puissante la sagesse qu’on appelle “nostalgie” qu’elle donne du sens même aux chemins qui semblaient n’en avoir aucun !
La promenade parmi les arbres dorés - la promenade de la vie ! - devient ce genre d’expérience insolite où non seulement tout nous parle à travers le chuchotis des feuillages qu’un souffle d’oxygène froisse
Mais où l’on entre au plus intime du vivant, - nous voici mouette ou rossignol, mer avec ses dauphins, soleil sur les écumes, gibier qui grogne dans sa bauge, ou nuage au coeur de la brise qui farfouille dans les hautes herbes, sur la crête des montagnes, pour trouver ce qu’elle n’a jamais perdu -
Et parcourant cette sorte de nouveau versant des choses que l’homme de la rue appellera “vieillir” avec une once de mépris, on s’émerveille
De retrouver intacte partout la pellicule de reflets bleutés que l’on croyait à jamais disparue et qui pleuvait sur notre enfance, avec la lumière du ciel éparpillée au gré des touffes de lavande.
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2 octobre 2010
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9.
Obligé d’emprunter ce couloir sans issue qui traverse les mois blêmes, il pratiquait pour quelques uns
Ce que d’aucuns nommeraient - si l’on veut être à la mode - “P a l é o t h é r a p i e”,
Une médecine à base d’herbes qui tient davantage de l’art des Chamans que de l’expertise de nos praticiens occidentaux !
A force de thé, de verveine et de graines de lin bleu, en se “m é t a m o r p h o r i s a n t”, il acceptait de prendre enfin à la légère certaine Piste, dont on ne sait ce qui peut nous attendre au bout.
L’air inspiré, avec des mines d’alchimiste, il changeait le graphite en pur silence mâtiné de songes qu’il lustrait aussi soigneusement que les cheveux d’A ï l e n n - surnom cabbalistique de sa Muse ! -
Y respirant chaque matin tel parfum de fougère et d’herbe de la Trinité qui couvre, à l’heure des sous-bois rouillés,
La fragrance insistante des Trompette de la Mort mariée à celle de la Mousse - dont il tirait la conviction que l’homme n’a comme boussole, aux troncs des nymphes, que la verdeur de ces pubis humides
Unanimement tournés vers leur Orient.
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1 octobre 2010
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8.
Automne, automne au loin pareil au reflet du brasier d’une fête interdite !
Le ciel aux teintes de patate douce ploie sous le faix d'une immémoriale absence. Qu’il en tombe un rayon au coin de l’enclos, il tâtonne aussitôt en quête d’un cyclamen ou d’un iris tardif.
Subite au visage, l’averse se résout en arc-en-ciel. De ses cordes s’échappent les neumes d’un vent malhabile encore à solfier selon la partition des arbres dans la brume...
Rien n’est perdu - pour qui l’arrière-saison doit accueillir le vacarme du chasseur et la triste splendeur du faisan mort.
Un fusil cassé sur son bras, deux chiens courant sur ses talons, il fait craquer les branches mortes sous sa botte, et c’est tant mieux pour la laie qui s’enfuit, son chapelet de petits zèbres trottinant sur ses talons...
Inutile de la poursuivre dans les vignes, elle les connaît mieux que tous les vendangeurs en train de déverser le muscat d’octobre dans les cuves des camions !
Au secret nocturne des celliers le poème du vin s’élucide avec les années... Emprunte au silence d’or la robe qu’il aura lorsqu’on le versera dans le cristal de la lumière, comme exemple à suivre pour le poète impatient.
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1 octobre 2010
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7.
Au sein de tes écrits, tel un ours, tu envisages d’hiberner car tu habites au creux de ta langue et d’elle seule !
Il serait malséant de songer à résister au figement de la glaciation qui s’annonce. Sitôt que la première obole d’une feuille, avec ce tintement argentin qui confine au silence,
Tombera,
Ce sera le signe qu’il faudra te réfugier en toi, fermer tes fleurs, et si tu veux sortir, ouvrir ton parapluie en guise de parachute contre cet invisible gouffre auquel semble promis ton prochain pas...
La mer de l’été s’est retirée, lassant voir toutes sortes de débris, de troncs tordus, de coquillages vides et autres herpes marines. Vision de poissons-lunes qui grelottent en contemplant de leur oeil rond un noyé qui s’enfonce dans les profondeurs...
Ô la lenteur des choses ! Ô la célérité de cette mort éblouissante au fond du tunnel !
Pèlerin immobile, afin de traverser sans encombre le Styx, tu serres entre tes dents comme un viatique ancien
La monnaie d’une parole aux reflets d’argent.
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1 octobre 2010
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6.
Errer parmi les ombres dans cette saison au nom sonore, griffonner deux lignes, dans un carnet noir sur les draps étalé, par un minuit froid,
Chercher où poser son corps en explorant du regard des lieux naguère avenants soudain devenus inhospitaliers.... Même le plancher luit d’une lueur mauvaise !
Automne, sombre automne ! Au jardin figé le rouge-gorge n’est pas revenu, chaque arbre hésite à quitter ses verdeurs d’été, chaque nuage s’applique à dénigrer la débâcle du bleu.
Il bruine aux vitres ! Devant l’écran de ta page, un souvenir ancien se déhanche le cou... Suant sous les sunlights croisés, un primate hirsute
Martyrise sa guitare ferraillante, attentif à sa partenaire - ovationnée par une foule aux briquets allumés - qui suce un énorme micro ainsi qu’une glace à la fraise, en bondissant
De long en large au-milieu des cuivres de son batteur déchaîné et lui trémule sur sa chaise en tapant à coups redoublés parmi les baffles, les woofers, l’enchevêtrement des câbles électriques :
Nuits de guitares plates comme des raies-mantes dans l’atmosphère bleu-hystérique où, claires herbes sous le blizzard, oscillent en cadence les bras nus des filles
Hurlant leurs hurlements aigus de femelles en amour ! Ha !
Le temps d’un clip, comme le monde est beau ! Sur un lac embrumé
Les clartés fantasques du matin jouent aux cheveux mouvants de la belle inconnue qui erre sur la grève, parmi roseaux et graviers telle Morgane, l’âme en peine, en quête de son enchanteur...
Les cols-verts sur l’eau qui cligne se rassemblent, conjecturant que, vers le Sud, il sera plus aisé de supporter l’hiver.
Allons ! En vols serrés, les heures fuient à tire d’aile ! Et, tu le sais, pour ne pas revenir...
Éteins la télévision du poème ! La nuit, il n’est pas bon de regarder trop loin dans les saisons passées, non plus que dans les saisons à venir.
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29 septembre 2010
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Faire du neuf avec du vieux puisqu’il n’est rien de vraiment neuf sous le soleil, mais en prenant garde toutefois d’étendre sur tes vers ce lustre de patine ancienne grâce à laquelle ils auront cet air familier
Propre à n’effaroucher personne ! Un genre de passion artisanale, analogue a celle des restaurateurs de meubles démantibulés issus des fonds de grenier, et qui ont passé le plus clair de leur temps à rendre leur travail indétectable
Puis quand, chez un client, après plusieurs années, ils revoient l’un d’entre eux, leur unique souci est d’y retrouver cette part d’eux-mêmes qu’ils se sont appliqués à fondre dans une ébénisterie depuis longtemps classique...
Tel ce motif sculpté en forme de grappe de roses au coin de la commode qui te rappelle sourdement les cristaux de gypse dévoilés - ô surprise ! - par le sabot d’un dromadaire soulevant une bouffée de sable
Très loin d’ici - tout près ! - dans ce désert dont l’étendue a, de son vide, remplacé tes souvenirs au point qu’à présent tu t’y promènes tout à fait comme chez toi, tenant en laisse une caravane de poèmes bossus comme des dunes sous la pleine lune
Et capables de t’aider à traverser la suite de tes jours sans boire et sans manger...
Puisqu’il n’est rien de neuf sous le soleil (Et surtout pas, ni l’Internet, ni la Télévision, ni les Grandes Catastrophes, ni tout ce qui reçoit le label de “moderne” !) tu ne vas pas te hasarder sur les brisées de ceux que l’on appelle “poètes contemporains”,
Tu ne t’efforces pas de composer ces poèmes étiques où tel ou tel auront su rassembler les débris de profondeurs cachées qu’ils livrent au public sous forme d’aphorismes admirables et d’énigmes que les savants ont plaisir à décortiquer en d’épais livres de scholias pour étudiants férus de Linguistique et de Philosophie,
Tu entres simplement serrant un bouquet de roses cueillies au jardin de tes aïeux dans la demeure de l’Amour qui est aussi l’amour de la Demeure, cette langue de La Fontaine à laquelle nulle autre ne peut être comparée.
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29 septembre 2010
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Ce n’est pas rien de s’envoler vers cet éther limpide et sec d’où l’on aperçoit l’univers au sein d’une fraîcheur que seule permet la Distance !
Le soleil apparu semble avoir consumé l’ordure... On voit luire la mappemonde avec ici ou là ses océans qui sourcillent autour des îles, ses continents enveloppés de nuages luminescents comme par le hublot d’une station spatiale...
Tandis que largement bat l’angélique aile de la pensée, on incline un peu la tête afin d’entrevoir côté nuit les cités minuscules des hommes telles des galaxies en miniature ;
Parfois en scrutant bien le pelage frémissant du bleu, on déniche au sein d’un ourlet de la mer l’infime fleur d’un paquebot ou d’un cargo géant au bout de sa tige d’écume jusqu’à distinguer parfois le patchwork diapré des containers...
Celui-ci vient de quitter la Chine, cet autre se confondrait presque avec les îlots de la Baie d’Along, et cette croix d’aluminium tantôt brillante et tantôt terne juste au-dessous de nous, c’est un énorme avion...
(Qu’il nous plaise d’imaginer dans la mince carlingue assis un lot de passagers inquiets ou assoupis, tel enfant dodelinant du chef contre un ours en peluche aux yeux toujours ouverts, tel homme tapotant sur le clavier de son pc, telle femme en cheveux qui songe à la façon dont son mari va l’accueillir à son retour...)
Ainsi penché au balcon cosmique de la poésie, pendant que l’aube lentement poursuit son tour de la planète un humain parmi les humains, les pieds sur le plancher des vaches et la tête vaguant au milieu des constellations,
Sur l’aile de sa langue maternelle apprend la condition humaine en se payant de mots.
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29 septembre 2010
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Poésie - ô mon alouette ! Quand à l’orée des nuits franchies à grandes enjambées parmi les monstres, les spectres, parmi les monts et merveilles je débouche
Sur le vaste pré où de grandes bêtes nostalgiques broutent les fameux colchiques du regret et que dans l’altitude, frissonnante étoile volubile à la pointe de mon regard,
Je t’aperçois - à cette heure où les hommes sont encor dans l’ombre ! -
Suscitant le Soleil...
Comme l’enfant sur le ruisseau place un petit moulin taillé au couteau dans l’aubier d’une baguette extraite d’un buisson de coudrier j’érige la fragile architecture de miroirs entre lesquels j’espère t’attirer
Assez longtemps du moins pour clicher ta changeante image et retenir quelques bribes de ton babil,
Je tends l’oreille de l’esprit, j’emprunte au vivant frémissement de ta plume esseulée,
Je scrute dans le ciel et sur la terre les signes que vers nous s’abaisse le niveau de la Lumière... Avec humilité
Je mêle à ta solitude la mienne ainsi qu’un moine cistercien se fond dans sa divinité sous l’immense illusion de la voûte azurée...
Et si parfois tu entres au coeur des éclairs pour t’en dégager aussitôt
Je me projette dans ta liberté en soupirant du bonheur singulier qu’on éprouve à cet instant fugace de l’infini recouvré !
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28 septembre 2010
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Une odeur de moisi... Comme dans l’instant où l’on ouvre une porte de cave, un relent de vieux livres vous essuie au visage ainsi que toile d’araignée...
Celui qui cherche alors poursuit à l’aveuglette, tâtonnant entre les volumes dont la poussière monte et bourgeonne dans la faible lueur de l’oeil de boeuf : titres anciens ornés d’images désuètes ; des pages quelquefois tombe une fleur fanée ou un papier jauni sur lequel une main inconnue
A griffonné quelque formule indéchiffrable à l’encre pâlie par le temps - ô “sépia des profondeurs” ! - ou même quelque photo qu’au verso identifie un prénom qui n’évoque plus personne...
Tous ces vieux brouillons jadis incandescents Aujourd’hui poèmes refroidis qui dans la bouche laissent en les redisant comme un âpre goût de cendres !
Paroles de l’inconnu que tu fus - tout ce qui reste de ta vie ! - paroles qui te semblent à présent presque étranges, confuses, ineptes...
Pensées que ton obstination maladive d’écrivain depuis des lustres n’a pas été capable d’éclaircir !
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Humeur d’automne
Quelle quête en cet espace où tout défaille, quelle quête pour l’ermite d’un vieux langage inconstant ?
Voici sourdre le temps des brumes ! Un corbeau sans lumière s’enfuit en rasant le ciel froid. Finis les amours versatiles et les explications d’ailes froissant les plaintes de l’arbre !
La palme se referme, la feuille rétrécit et brunit. C’est un or fallacieux qui contamine les futaies. J’entends mûrir le silence du ruisseau dessous les joncs flétris...
Que fut donc, décelée en longeant la rive, cette dépouille de lambeaux et d’os, cette carène frêle et malodorante ?
Ici, où s’élargit une buée au-dessus de l’étang un dernier reflet se creuse relique d’un été que sa gloire a quitté : on y croit entrevoir l’épure d’un tombeau pour les oiseaux.
Combien de fictions s’enchevêtrent dans mon esprit ! Combien de noires rêveries somment l’approche de Novembre !
On dirait ces feux allumés qui filent par les interstices au-delà du bois qui veille l’autoroute pour s’aller diluer dans l’évaporation violâtre des collines...
Avec un grincement d’écriture sur du papier déjà les pas précautionneux du gel crissent sur les perrons alors que la bise à nouveau s’époumonne au revers des saules, en soulevant de son mufle fuligineux des tourbillons de feuilles.
Une odeur de moisi s’élève de la pile de brouillons que tu compulses d’une main glacée.
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