18 janvier 2011
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Hivernales 33.
Corps qui se rétracte
membres crispés
sang qui reflue vers ses cavités profondes
Ton nez renifle l'odeur
des basses températures
Tes pieds sont contaminés
par la froideur du sol
Que restera-t-il de toi quand la ciguë
de l'hiver aura gagné Un être humain est-il
l'émanation de ce qu'il a pensé
ou de ce qu'il a fait
De ce qu'il s'épuise à croire
ou à aimer tout en se sachant
irrémédiablement faible devant l'avenir qui
quoi qu'on fasse délite ce qu'on avait construit
si bien qu'en fin tout nous échappe
y compris notre souffle ! Etrange
comme certains s'acharnent à propager
qu'il faudrait aimer passionnément la vie
« jusqu'au bout » Sorte de méthode Coué
pour ne pas consentir à reconnaître
que cette vie reçue un jour comme une gifle
sans qu'on ait rien décidé
vaut rarement (excepté pour quelques chanceux)
la peine qu'elle nous a coûté
pour la vivre !
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poésie
18 janvier 2011
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Hivernales 32.
Ce géant dans son armure blanche
c'est un pin sous la neige
solitaire
qui contemple la mer en colère
Pin magnifique pin
qui as survécu au Domaine
et depuis occupes le centre où vient
le promeneur s'asseoir
à l'ombre de tes pensées
Que connais-tu de ma quête
et de ce qui du « monde »
m'échappe ? Quels lumineux secrets
colportés par le vent
recueilles-tu dans ta couronne ?
Quelle indulgence - quelle sérénité ? -
circule à la faveur de l'ambre
grâce auquel tes branches organisent l'espace !
Les peuples s'entretuent – qu'y faire ! Qu'y faire ?
Tu ne peux que contempler la mer en colère
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poésie
15 janvier 2011
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Hivernales 31.
Le poème est pour toi une lente ascension
vers ce sommet immaculé que couronne
la cime du soupçon
lequel lance le regard à travers l'azur
de marche en marche d'air pur
vers le possible de «l'idée»
Tout commence en bas dans la vallée
parmi les habitations des hommes
et les tiédeurs de l'été
Un peu plus haut fougères et mélèzes
dégelés aux pentes du printemps
invitent à se rouler dans l'herbe
Plus haut encore c'est l'automne
le règne des chutes dorées
et des maturités sanglantes
Puis le piolet devient nécessaire
et chaque respiration nous épuise
au flanc du glacier jusqu'au pic
des neiges de l'hiver
Et pour finir l'on suffoque
et la parole s'étrangle
à cause du vide au-delà !
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13 janvier 2011
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Hivernales 30.
Tu étais né en 22 et moi en 44 et je te revois
cet hiver-là Daniel Boulanger
en train de signer des «Retouches»
Nous avons parlé des ponts de la poésie
sous lesquels les images se brisent
Mon second livre paraissait Tu m'as demandé
mon sentiment à ce sujet
A ta façon de m'observer
et d'opiner d'un chef déjà chauve et luisant
j'ai su que tu me comprenais quand je t'ai avoué :
«J'en suis heureux mais cela vient trop tard...
Beaucoup trop tard !"»
C'était en hiver Il faisait bon
dans la bibliothèque pleine de l'odeur des piles
de livres tout neufs
Nous avons continué en devisant
de signer nos «services de presse»
Tu avais exactement l'âge
que j'ai aujourd'hui.
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13 janvier 2011
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Hivernales 29.
Humide et froid en plein visage
comme au détour du sentier vert
une toile d'araignée endiamantée de pluie
Ô Véronique du mistral
sur ton chemin de hautes vagues
Fraîcheur des rêves
calfeutré dans ton bureau qu'éclaire
un vitrage zébré par l'averse
tu mâchonnes des rondelles de pommes séchées
de chez Ladan (Vall-e-Asr Ave. Tajrish,
Tehran – Keep in a cool & dry place !)
Splendeur des pleines lunes
en février à Ispahan «moitié du monde»
avec le naÿ qui gémit
ainsi qu'un vieil enfant
pleurant son âme perdue
tandis que son regard erre sur les chevilles dorées
de l'Astragalizonte
par ses genoux drapés de plis légers remonte
de son coude luisant jusqu'à sa main de bronze
dont à l'instant les osselets occultes
viennent de s'échapper
fixant pour toujours les frontières de l'Éternité
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13 janvier 2011
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Hivernales 28.
Certes janvier ou février étaient bien différents !
Partout les mimosas dans les jardins
attestaient du bleu foncé du golfe
Au creux des rochers des calanques
l'eau claire laissait des flaques
pour les oiseaux
Sous leurs miroirs
un oeil exercé devinait quelques restes
de nuit violette
Nous quittions le port bien avant le jour
l'étrave brassant des étoiles
Emmitouflés dans une odeur de froid et de cordes moisies
les yeux fixés sur les rares lueurs de la côte
Grâce aux airs de terre l'aube effaçait d'un coup
les encorbellement sanieux des nuées
qui grouillaient ainsi qu'un amas de supions
bercés par le reliquat d'eau saumâtre
au fond des barques
et l'air était de cet azur unique
dont chaque pin
à voix de baryton grognait la louange à l'heure
où l'on rentrait au port
Toi visage fendant le mistral
toujours à la proue comme pour obéïr
aux injonctions du destin !
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13 janvier 2011
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Hivernales 27.
C'est la saison où l'on s'avance en piétinant
son ombre au coeur du vide blanc le dos
illuminé par le soleil couchant
des jours passés
Et dans la mémoire quelque chose d'immémorial
parmi les sombres boursouflures des orages
luit comme une aiguille de lumière
sur la mer
là-bas très loin où s'éteint le sillage
des flottilles de pointus
sur lesquelles de vieux pêcheurs mal rasés
à l'accent de lavande
t'emmenaient avant le jour relever
au lamparo leurs filets dans lesquels
emmaillés se débattaient les éclairs convulsifs
de tes années de jeunesse
Seule la femme du poète sait
de combien d'ombre se paient
quelques larmes radieuses
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12 janvier 2011
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Hivernales 26.
D'une seule pièce et sans horizon
pluie et brume entre terre et ciel
De la mer n'est demeuré
que le renâclement d'un gosier
plein de galets
On n'aperçoit même plus la crinière d'écume
et le mors du soleil
Rien à voir
avec ces matins où le monde
orné d'un roi-Phébus attifé de nuages brillants
jusqu'à mi-torse plongeant dans les flots
où s'agitait son jumeau à l'envers
ressemblait à une carte à jouer démesurée
et l'azur dans une odeur d'embruns
mi-anis mi-aneth nous enivrait
comme enfants
lorsque à l'insu de nos oncles quittant le bistrot
après la partie de belote coinchée
nous vidions consciencieusement
(« Faut rien laisser perdre ! »)
le fond des verres d'anisette
Rien à voir Rien à voir Rien à voir
La météo ne laisse aucun espoir
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12 janvier 2011
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Hivernales 25.
Décembre à Miami ou bien dans les Everglades
On guetterait - avec leurs petits veaux
élevés sous la mer - les sea-cows
broutant paisiblement aux prés salés
S'imaginer ailleurs
sur l'arête des falaises boréales
à cet instant où la grande ourse expectore
une quinte de météores
Ou quelque part dans ton Taklamakan
familier devant les ruines ensablées
des cités de la soie
Une brève halte l'oasis puis en route pour Kachgar
Ou pour n'importe où
Plutôt qu'ici être celui qui se relève dans le noir
pour prendre sur le fait quelques fantômes en train d'uriner
contre les portes de la nuit dont grincent au vent les gonds étoilés
à travers l'immense silence neigeux
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15 décembre 2010
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Hivernales 24.
Embarqués donc sur la nef immaculée
nous autres
avec le sentiment qu'une atmosphère d'adieu
est tombée au cours de la nuit
Sur le seuil, cela qu'on appelait le « monde »
hésite Au bord du toit la neige
s'étire en longs glaçons transparents
au dessus du vide
Entre le ciel et la rue
tout cet espace !
Par la fenêtre obscure
on devine le chat
pelotonné sur un fauteuil
le nez entre les pattes
Un merle sautille sur les gravillons de l'allée
puis poinçonne la neige du pré
de motifs analogues à ceux des plafonds
des tombes égyptiennes
Comme si le négatif du ciel nocturne
s'était imprimé par terre
Une bourrasque soulève la poudreuse
voilages rappelant le sable du désert
Emmitouflé à la façon d'un Homme bleu
Tu erres entre hiver et hiver
Entre dedans et dehors
Nomade des seuils et des agonies
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