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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 18:52

 

 

                                                  Portrait d'une inspirée

 


 

 

Elle était tour à tour cheval qui rue ou verre en cristal de Venise.

 

Elle observait la nuit avec les yeux de la nuit-même, et l'on aurait

 

dit que le vent, en s'ébrouant, s'abreuvait au ruissellement de ses cheveux.



 

Ombrageuse, elle ne supportait pas que son ombre fusionnât avec l'ombre

 

des forêts. Elle se voulait la poésie-même, et elle l'était. Vivante cariatide,

 

elle supportait le porphyre du ciel : le jour la contournait avec lenteur et

 

ravissement.

 


 

Lorsqu'elle avançait dans la neige, elle jetait du sel par-dessus son épaule


et ce sel se changeait derrière elle en langage cunéïforme. Elle ne se souciait

 

pas de la trace laissée. Son passé était un nuage d'encre.

 


 

La violence de l'élan qui emportait ses rêves, la chaleur de ses passions


qui contrastait avec la sérénité hiératique de son visage, lui faisait rompre


devant-elle toute barrière de lumière.

 


 

Elle voulait être heureuse. Mais en elle habitait une mer, avec ses écumes,

 

ses splendeurs, et ses tempêtes. Et ses récifs de rage et de solitude.

 


 

Parfois, les yeux plongés dans son reflet, elle pleurait.

 

 

 

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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 18:35

 

 

40. Iniochos

 

 

Par hasard, dans un de ces magasins où l'on achète

Pour deux euros des « souvenirs », j'ai trouvé

Une médaille qui montrait le profil du fameux

Aurige aux yeux terriblement ouverts : Iniochos.

 

Le bandeau du vainqueur enserre ses cheveux.

Il fixe l'avenir avec une lucidité impitoyable,

Comme s'il savait que l'aurore ne sera jamais

Un Autre Commencement. Et que la Liberté,

 

Pour laquelle on tague les murs - « Lefteria

Stous kratoumenous machités tis sunômosias

purinôn tis phôtias » - à la bombe de peinture

Noire, la Liberté n'est jamais porteuse de paix.

 

J'ai glissé dans ma poche le profil delphique...

Environné de passants grecs animés et bavards,

J'ai déambulé dans les rues de Plaka, fixant

Loin devant moi une brume couleur de rêve.

 

Et dans mon illusion d'être athénien - un peu ! -,

Je m'entendis tout-bas murmurer pour moi-même :

Il n'y a qu'une Grèce : cette Hellade unique,

Joyeuse, immense, invisible et tragique,

 

En qui nous avons foi, tout en serrant les dents.

 

 


 

 

                                                                                                           Athènes-Paris, décembre 2011.

 

 

 

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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 12:43

 

39. Depuis les Propylées

 

 

D'en haut, j'ai pu reconnaître l'Observatoire

Sur la colline des Nymphes, parmi les oliviers,

Plus bas, l'église St-Athanase, rouge brique

Sous le soleil de décembre. Au-delà, coulée blanche

De maisons désordonnées jusqu'aux montagnes...

 

Dans ma tête, en couleur sépia des années 1855,

J'ai revu les photos de mon arrière-grand-père

Sur des dizaines de lames de verre qu'on regardait

Enfants.. On en a tant cassé qu'il n'en reste

Que trois... Le Parthénon parmi les ronces. Athènes,

Sorte de gros bourg entouré d'une plaine déserte.

Et cinq caryatides au flanc de l'Érechtéion.

 

Pauvre Grèce, à peine rescapée d'années de guerre !

L'ami Koraïs mort depuis près de vingt ans : il étudiait

Sa médecine à Montpellier, quand mon aïeul apprenait

À l'école d'Agriculture un remède pour les vers à soie...

«Tous deux adoraient Strabon», soupirait ma grand'mère.

 

Point de clichés de ce temps, d'avant la photographie.

Ô souvenirs brumeux des sagas familiales qui s'effacent

Doucement dans une nuit où tous nous nous découvrons

Immigrés ! D'en haut, j'ai pu reconnaître l'Observatoire

Sur la colline des Nymphes, où moutonnent les oliviers,

 

Et l'église St-Athanase sous le soleil de décembre.

 

 

 

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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 09:23

 

 

38. L'Athlète

 

La beauté qui sur ce corps de marbre

Brille comme l'éclat toujours futur

D'une étoile quasi-éteinte et oubliée,

C'est la lumière même de l'esprit :

 

L'Étincelle apparue grâce aux dieux de Mycènes,

Au sein d'une nature ignorant les questions ;

Celle qu'on recherchait au front luisant et nu

Du vainqueur que célèbre une ode à Olympie !

 

Car les dieux n'ont pas chu, ni n'ont ressuscité.

Il habitent toujours là où les rossignols

Gazouillent mieux qu'ailleurs dans leur langue secrète

Et dans les corps pensants qu'un moment d'excellence

 

Enthousiaste et de gloire aura fait frissonner.

 

 

 

 

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 18:37

 

 

37. Loutraki

 

 

Timidement au large de Corinthe

Un peu d'écume s'insurge à contre-vent.


Lumière grise et temps couvert, éclat

Liquide comme du mercure au long

Du littoral : le soir s'épaissit déjà...

 

Dans le petit restaurant fleuri, véranda

Couverte de rosiers grimpants, et Pomone

De plâtre avec son panier de fruits à l'entrée,

Une joyeuse réunion de quinze ou vingt convives

En fin de repas chante parmi les vases

Pleins de fleurs de lis, piano, guitare,

Voix vigoureuses portant des chansons

Populaires : de moi, toutes inconnues...

 

Une vraie gaieté, fraîche comme une source

Qui naîtrait de ceux qui s'y abreuvent !

Comme un poème grec surgit de la parole

Qui n'est que chatoiement de vivre !

 

Il me semblait distinguer au cœur de cette joie

Un foyer très ancien et toujours sans limites.

 

 

 

 

 

 

 

 

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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 18:34

36. Devant une statue du dieu Pan.

 

 

Cette figure du dieu-lune avec ses cornes torses,

 

Ses pieds de chèvre et sa syrinx, qu'elle est vivante !

On dirait que la vie va jaillir de son enveloppe de pierre

Comme mue un serpent qui laisserait sa peau rigide

Sur le bord du chemin ! Ah, Protogonos, Mnémosyne,

Orphée et toi, l'homme des nombres, Pythagore !

 

Ils peuvent bien moquer leur passé antique

Les néo-byzantins ! Et se plaindre de l'Acropole

Comme d'un furoncle qui défigure leur Athènes

Contemporaine, et qui suppure un flot de métèques

Idolâtre des vieilles ruines et des temples écroulés !

 

Ils ont bien pu changer Platon en Plotin et faire

Du monothéïsme avec les Lamelles d'Or des tombes

Et de l'intolérance avec des icônes dont les fonds dorés

Sont du même ADN que les masques des rois morts,

L'Hellade reste, pour nous tous - pitoyables étrangers, -

 

La grande Hellade, l'immortelle, l'Hellade des Hellènes !

 


 

 

 

 

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 11:26

 

 

             35. Un square d'Athènes

 

 

Aïlenn est tombée en arrêt devant un buste du square

Avoisinant l'hôtel où nous avions déposé nos valises...

Il y était écrit, au-dessous de la figure du grand homme :

 

                                ELLAS

 

                             CE NOM

                      QUE PERSONNE

                  NE PEUT PROFÉRER

                      SANS RESPECT

                  NI SANS ÉMOTION

 

                                             SATOVRIANDOS

 

Un grand col, une cravate-foulard, un visage émacié,

Sur une stèle de trois mètres en marbre bleu-pâle,

Au-milieu des feuillages jaunes, rouges, de décembre

et le vert des palmiers nains...

                                                   Dans ce calme

Petit square ici bordé par l'avenue Constantinou

Où, libérés par un feu vert, se ruent par moments

De trépidants troupeaux de bus et d'automobiles

Dont nous protège une rambarde à croix de fer,

 

Et de l'autre côté, au-delà du bassin rond où tremble

D'un beau vert-turquoise, un reste de pluie jonché

De feuilles d'or, la rue des Naïades, vide à cette heure,


Nous marchions sous les frondaisons encore épaisses,

Arpentant les dalles de l'Hellade d'aujourd'hui,

- Celle qui, en l'an 2022, aura juste deux siècles -

 

En attendant la voiture qui nous conduirait bientôt

Trente cinq siècles en arrière, vers cette Argolide où

Rêvent à jamais les pierres d'Epidaure et de Mycènes...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 10:16

             34. Terre des Hellènes

 

L'avion quitté, j'ai marché, j'ai touché la terre

Des Hellènes. Du pays où le langage depuis vingt-six

Siècles doit lutter avec la perfection de la lumière...

 

Une lumière si haute et si nette que ceux qui s'aiment

N'y peuvent garder le mystère de leurs sentiments,

 

Que les tombes du Céramique aux reliefs habités

Écoutent dans les pins la voix de l'éternité vacante,

Cet élan venu des milliers de sirènes vaguant sur la mer

Qui chantent encor leur hymne avec l'accent d'Homère...

 

J'ai foulé cette terre, en mon enfance imaginaire,

Où les guerriers masqués d'or et le casque orné de crins,

Le thorax nu sous la cuirasse d'airain rutilante,

Luttaient, un contre mille, pour sauver leur liberté...

 

J'ai croisé leurs héritiers, certains parfois nostalgiques

Parmi les ruines de leur civilisation, certains rageant

Contre un secret sentiment de déchéance et prêts

À dénigrer ou trahir la terre si radieuse où ils sont nés.

 

Mais d'autres, et j'en ai rencontré parmi les Athéniens,

Fiers d'être de la lignée admirable de leurs Ancêtres,

Savaient que cette déchéance avait été pour leur patrie

La chance, à la faveur du ciel immense et de la mer,

 

D'assurer le salut d'une parole à laquelle l'esprit humain

A pris le don de s'égaler aux dimensions de l'univers.

 

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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 13:14

 

 

33. La Grèce en hiver

 

 

Merveilleux, le paysage, depuis la Nouvelle-Epidaure !

Le golfe en face avec le bleu qui balance une fraîcheur

Pleine de colombes et de roseaux chuchotants, jusqu'aux îles...

La toison des oliviers moutonnant au flanc des montagnes

 

Frémit doucement. Les maisons paisibles, tout en bas,

Sont ramassées dans le soleil pâle à la façon d'escargots

Endormis. Au miroir de la mer, des chemins dépolis

Zigzaguent parmi les lueurs ainsi que périples rêvés.

 

La route longe des vergers sombres constellés d'oranges.

L'air embaume un mélange ineffable d'herbes froides

Et de lentisques encore embués d'un reste de rosée.


Rare, un oiseau de temps en temps fait semblant

De briser du cristal qui ruisselle et scintille

 

Dans mon imagination. Aïlenn marche à mon côté.

Et je me dis : qu'elle est jolie et douce l'Hellade en hiver.

 

 

 

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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 12:05

32. Poussière de l'Acropole

 

 

En ai-je rencontré des gens qui dissertaient

Savamment sur la Grèce ! J'entends encore

Certains christianiser Socrate et transformer

Platon en précurseur des mystiques monothéïstes...

 

D'autres, minables complices du «panmodernisme»,

Prétendaient expliquer aux Grecs ce qu'ils étaient

Et rejeter dans le lointain passé la gloire des Hellènes :

Ils venaient signer leurs livres publiés à l'étranger,

 

Vantant leur savoir appris en alphabet Latin !

Pourtant lorsque sous nos semelles se soulève,

Dorée à cause du soleil, la poussière de l'Acropole,

Lorsque les colonnes élancées comme des caryatides,

 

Et les caryatides sveltes comme des colonnes

Portent jusqu'au ciel la simple beauté humaine,

Ne suffit-il pas d'une contemplation fervente pour

Connaître l'Héllénisme et tout ce qu'il a d'indicible ?

 

 

 

 

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