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24 janvier 2012 2 24 /01 /janvier /2012 18:09

31. Spectres opiniâtres



Qu'elle devait être inattendue et pittoresque

L'Athènes d'autrefois avec ses Panathénées,

Ses statues bariolées, ses gracieuses canéphores

Aux plis indiscrets ; avec ses agoras vers lesquelles

Convergeaient plusieurs labyrinthes d'étroites ruelles,

Ses cirques de marbre blanc et ses temples multicolores...

Je revois les jardins splendides d'Académos

Où l'on se promenait tout en philosophant

Tandis que les femmes choisies tissaient pour la déesse...

Justement, j'aperçois Diogène sortant de sa jarre,

Un chaleil à la main, le même qui mourut le jour

De la mort d'Alexandre, à ce qu'on m'a raconté...

Quelle lumière alors faisait resplendir la cité

Pour avoir façonné des hommes si fameux

Qu'un visiteur les aperçoit, spectres opiniâtres,

Au-milieu des taxis jaunes, des autocars vitrés

Et des touristes, après plus de vingt-trois siècles !





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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 21:17

 

 

30. Halte au bord de la «leoforos Souniou»

 

 

 

Quand même le plein jour s'étend sur les collines,

 

Cette aube permanente au fond de l'éternité grecque !

 

 

Malédiction splendide dont le feu traverse à grand galop


La mer et d'un élan


                                                       remonte la falaise au loin

                      

Jusqu'à se figer en colonnes d’un temple au Vieillard de la mer !

 

 

C'est,

 

          guidé par les crinières, la sueur et la bave scintillante

          

               des alezans du soleil,


Le troupeau vert des étalons aux croupes innombrables :

 

Ce ressac printanier qui rapporte obstinément des profondeurs


Les embruns de la Liberté dont le pollen solaire


Essaime aux rivages d'Homère...


 

 

                                                    Tirée au cordeau,


La ligne où des voiles sèchent comme des chemises.


 

Le vent qui s’invite au colloque des oliviers.


 

Au loin la poignée de sel d’un village en son île.


 

Et moi, pétrifié par l’émotion comme un marbre inachevé.

 

 

 

 

 


 

 



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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 15:30



29. Sounion



Sur le promontoire dont les rocs suspendus sur la mer

À contrejour exhaussent les vestiges dédiés à Poséïdôn,

On se croit un moment à la proue de l'Hellade, avec

Le vent qui soulève les flots et nos manteaux unis

Dans l'éblouissant flamboiement du dieu de la poésie !



Inspirer c'est, ici, éprouver l'ivresse fraîche du poème

Qui vous remplit la gorge ainsi qu'un épais vin ciconien,

Tandis que craquent sur les eaux la membrure et les mâts !

C'est comme si tes vers avaient incité jusqu'aux vagues

La nef aventureuse - et figé les trop mouvants récifs :



Il me semble entendre au cœur des feux du large

Le délice ailé des sirènes parmi les embruns citronnés.


La dryade au cheveux blonds erre à travers les ruines ;


Je recueille une pincée de terre et caresse la toison d'un olivier.


Pour un peu, je me serais cru au cap Sigri, près d'Antissa,

Là où la lune de Mytilène passe la nuit en tête à tête

Avec les spectres des poètes, depuis le temps d'Orphée.





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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 13:45





28. Du haut de l'Acropole



J'avais trouvé l'indicible en plein jour

Là où se rejoignent clarté d'esprit

Et lumière sur les choses :

Parmi les colonnes et les blocs épars !

 

Comme une mare de lait blanc

Athènes et son odeur de chats

S'étendait au bas du rempart, au-delà

Des arcades romaines et des gradins

Du petit Odéon d'Hérode Atticos, rhéteur

 

Qu'enviaient, d'après Cavafis, tous les autres

Sophistes : «Les Athéniens le suivaient,» lit-on,

« Sans pouvoir s'en empêcher, sans questions,

Malgré leur rancune à propos de l'héritage..."

 

Le glorieux Hérode, oui... Le premier

Des grands mécènes qui ait embelli Athènes.

Celui par Nerva rétabli dans ses biens.

Celui qu'admirait l'auteur des Nuits Attiques,

 

Métèque comme moi, qui pendant les soirées

D'hiver a retranscrit au fil de la plume

Ses souvenirs de discussions à Céphisia :

 

Un des rares moments où j'aurais voulu être

   

Si le vent des siècles ne m'avait fait naître

Bien plus tard et sur d'autres rivages...

« Ἰλιόθεν με φέρων ἄνεμος

Κικόνεσσι πέλασσεν »

 

Hérode, oui, Hérode pour qui

Rien, en grec, n'était indicible !



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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 15:05



27. Voyage, voyage...



Ah d'un coup d'aile par-dessus les Alpes enneigées

Se débarrasser de la pouillasserie occidentale !

Survoler la mer Tyrrhénienne, l'Isthme, puis l'Égée

Et, le regard baigné de pure lumière hellénique,

Descendre vers la capitale de l'Attique...



Aïlenn de profil à contre jour d'un hublot

Tandis que l'aile après nous délaisse les nuages

Et fend le cristal impalpable et froid jusqu'à l'éther

Du firmament où bientôt les constellations

Prendront la relève, comme si vermeille



La coagulation des splendeurs du couchant

Persistait sous forme de pâtis d'étoiles...



Le paysage monte et bientôt l'on aperçoit

Des bâtiments et, garés maladroitement, des

Avions impuissants à replier leur envergure

Ainsi que moi, touchant la terre grecque

Au sortir de l'aéroport, je me sens incapable



De consentir à replier et remiser mes rêves.



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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 18:20



26. L'illusion du Pirée



Au port du Pirée, entre les ondulations qui portaient

Les coques blanches des voiliers en quartiers d'hiver,

Naïvement, je poursuivais mes rêves. Attablés

À la terrasse déserte d'un restaurant de pêcheurs,



Nous attendions d'être servis ; des chauffages à gaz

En forme de parapluies avaient été allumés car les airs

Du soir font frissonner les dames en décembre.

Naïvement, je poursuivais mes rêves, je voyais



Le port du siècle passé, sans le fronton d'immeubles

Dont les vitrages miroitaient d'un reste de soleil couchant.

La même pleine lune dans le même ciel, et les mêmes

Reflets entrecroisaient leur vif éclat et leurs couleurs



Autour du ponton de bois argenté. Là-bas le môle,

Vers lequel en riant des jeunes gens allaient se promener,

Lançait un vieil éclat périodique, comptant les minutes...

Et moi naïvement, je poursuivais mes rêves comme si



Dans la Grèce d'aujourd'hui, demeuraient en filigrane

Des reliques de l'Hellade que j'aimais, comme si

Dans le mythe de ma vie actuelle, il restait des bribes

D'un pays incertain d'où seraient venus mes aïeux !



 

 

 

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 19:34



25. Un café à Plaka



Légère brise par cette matinée embrumée avec

Quelques éclaircies bleu-pâle sur le Lycabette...

Légère brise d'Hellade qui, douce, explores les rues

De Plaka, ébouriffant et confondant les cheveux noirs

Des amoureux... Je t'ai respirée avec bonheur, en compagnie

De ma blonde, et d'un hoplite grimé en citoyen banal,

Avec costume gris, cravate, et cet air d'aisance naturelle



Des grecs d'avant Jésus-Christ quand ils se sont réincarnés !



Rue Périandrou... rue Dédale... nous avons longé la maison

De Palamas, puis la vitrine où brillaient des dizaines d'icônes

Brunes, rouges, dorées... Le «Mythos» était emballé de plastique...

De part et d'autre de petites tables bleu-pastel, des fauteuils d'osier

Vides s'observaient en chiens de faïence

Devant l' « Oïônos Kapheneïo »...



Au coin, nous avons pris un journal pour savoir, naïvement,

S'il parlait de nous ! En face du bistrot dont la terrasse

Nous accueillit, rares passants, pour un café noir matinal,

La devanture d'un théâtre annonçait « ePhaidra »,

Et « TANIA TSANAKLIDOU » en gros caractères...

L'image de fond était un tableau de Fernando Botero.



Tous les autres noms d'acteurs probablement célèbres

Étaient inconnus de moi... Un moment j'ai pensé

Qu'ils s'agissait de « Phèdre » de Racine traduit par

L'ami Stratis. Mais ce n'était qu'une « Phèdre » quelconque,

Façon comédie musicale américaine, affichée à Plaka,

En décembre de l'an passé. Nous avons redressé nos cols


Et quitté l'endroit. La brise fraîchissait ; les amoureux

S'embrassaient toujours au carrefour. Autour de nous,

Tout s'était assombri : la fausse gaieté de la place

S'embuait d'une ambiance d'imminent départ.





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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 14:43



24. Devant l'Érechtéion



On dirait presque un symbole de toutes les souffrances

De l'Hellade : l'Érechtéion incendié plusieurs fois

Dès les temps les plus anciens ; puis déformé, changé

En église ; puis en harem, comme le prouve encore

Près de l'escalier l'inscription turque à demi-enterrée ;

Le plafond défoncé par l'obus qui tua la veuve de Gouras !



Et pourtant les nouvelles Caryatides s'obstinent, sans

Pleurer leur sœur volée. Et pourtant l'azur s'obstine

Que traversent les vents, en brandissant des caducées

Arrachés aux arbres en automne ! Et pourtant la mer

S'obstine, couvrant de son miroir des siècles de naufrages.

Et pourtant au portique quelques colonnes ioniques

S'obstinent, désignant dans leur élan subtil

L'Idée intacte du vieux sanctuaire en ruines

Qui fait songer aux Mémoires de Makriyannis !

 

 

 

 


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18 janvier 2012 3 18 /01 /janvier /2012 18:43

                    23. Acropole d'Athènes



Aïe les foucades ! Aïe, les folies de chez nous !... Une fois gravies

Les Propylées, en arrivant sur l'espace jonché de blocs de marbre

Rangés ou dispersés, à nos yeux apparut la célèbre Acropole.

A droite, imposant, enserré dans un réseau d'échafaudages,

Le fameux Parthénon qui s'ébrouait dans la lumière

Malgré tout, avec une incandescente beauté...

                                                                                                                                     À gauche,

L'Érechtéion et ses six robustes jeunes femmes insoumises,

Portant chacune ainsi que jarre sur la tête un chapiteau

De pierre qui soutient l'azur infini de l'Hellade, et voici

Qu'un homme qui vécut depuis toujours hanté de ces images,

Étreint par la réalité, sanglote éperdûment : comme un enfant,

Dans le chaos du monde, eût soudain retrouvé sa mère !





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18 janvier 2012 3 18 /01 /janvier /2012 12:04



        22. Une dame athénienne

 


Cet ami, ce soir-là, voulut absolument

Nous faire rencontrer sa mère :

Elle vivait dans un quartier reculé mais plaisant avec

Des orangers dans la nuit éclairés par des lampadaires...



Passé la grille basse, et la volée de marches du perron,

C'était touchant de voir ce grand diable qui étreignait

En haut de l'escalier une vieille dame distinguée



Et petite et frêle en robe de chambre élégante

Qui nous fit entrer dans son salon aux murs constellés

De tableaux et souvenirs aux anciens cadres dorés.



Elle avait voyagé et maîtrisait encore assez bien notre langue ;

Évoqua notre pays qu'elle avait jadis connu au passage ;



Insista pour nous offrir deux doigts de sa liqueur de griottes

Où s'allumait dans la lumière tamisée, une lueur de ce carmin

Précis qu'Odysseas attribuait au voile de la Vierge.



Pour finir, nous avons salué cette digne dame grecque

Avec le respect que méritait son âge et le lointain passé

Historique qui semblaient peser à ses épaules, un peu

Comme celui qui accablait ma propre mère à la fin de sa vie.



Nous sommes remontés dans la voiture et repartis paisiblement

A travers la nuit familière d'Athènes : comme chez nous après

Avoir rendu visite à quelque aïeule que nous eussions oubliée

Dans une maison de famille où depuis notre enfance, nous

Ingrats, n'avions plus jamais songé à remettre les pieds.





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