Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 10:23

 

                  Lui qui ne devait pas rester !

 

 

Il avait voulu se faire une âme avec l'innocent secret qui brillait tout au fond de lui comme étoile à l'orée d'un tunnel d'enfance.

 

Désuet, sur sa vieille locomotive à vapeur, parmi ses propres embrumages, il poursuivait sur sa lancée, alors que la pente se faisait de plus en plus raide.

 

Les rails de sa vie s'amenuisaient vers le futur, parallèles comme traces de skis dans la neige, aboutissant à quelque abîme imprévisible mais certain.

 

C'est que les montagnes en bonnets blancs, conservées dans la glacière de sa mémoire, étaient depuis longtemps restées en arrière...

 

Le village, son kiosque à musique, sa place ombragée où chantait la cigale avec l'accent provençal, était en train de les rejoindre, ravagé par les crues qui ont emporté les berges de roseaux si propices à tailler des flûtes...

 

Là-bas, près du château où les amants s'allaient cacher pour le meilleur, les vignes rouges dégénèrent, abandonnées aux ronces et aux chardons sauvages...

 

Il ne reste de cela que les amandes amères d'un regard magnétique et bleu, la gymnastique d'un corps jeune avec un sourire d'ombre légère à l'angle des cuisses,

 

Et la vague conscience d'un prénom qui ne nous revient pas mais qu'on a, exactement comme le plus beau poème, à jamais au bout de la langue !

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 15:27

 

 

Des mots sur le sable

 

Luisante lagune avec ici et là des trous de solens

Il est si tôt que la lune inspecte encore sur l'estran

Les barques aux gréements penchés de biais

Ainsi que ces poèmes sous lesquels le rêve

Se retire en éteignant l'ondoiement des images

 

L'amorce d'un vers humide sur le sable lisse

Et terne au bout de ton doigt intrigue les goélands

Qui s'approchent sans vergogne l'air hautain

Comme si leur monocle égaré seul les empêchait

De lire ils se détournent avec deux-trois interjections

 

Méprisantes pour un peu on les imagine

Volontiers hausser des épaules à l'instar

De certains critiques littéraires charitables

À leur façon dont le souci est de vous éviter

De découvrir qu'en vous il n'y a pas l'ombre

 

Du génie qu'il vous faudrait pour compenser

Votre navrante absence de talent Bref la mer

A l'horizon réduite à une épingle inoxydable

Se ramasse patiemment en attendant de revenir

Envahir le paysage afin d'y rediluer tes mots

 

Dans le mascaret d'inspiration qui t'illimitera.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 14:32

 

 

                                            L'oiseaurore

 

Ciel et mer, telles deux mains bleues ouvertes sur l'envol doré d'une invisible colombe !

 

(Tant de gens ont passé sur mon visage : on dirait cette photo d'identité, que sa chute d'une poche a empoissée dans l'asphalte encore frais du couloir souterrain, au métro Havre-Caumartin...

 

Elle s'y est incrustée, la face est devenue celle du hasard, presque effacée par toutes les semelles des gens pressés qui ont posé le pied à cet endroit !)

 

Me traversent les mots “complainte de la Secrétaire de Paradisky”, qui jadis eurent pour moi du sens et n'en ont plus. Dans ma mémoire, comme feuilles mortes qui brûlent ou mains qui se ferment, se recroquevillent des images de montagnes ennneigées.

 

Mais ce matin : ciel et mer, telles deux mains bleues ouvertes sur l'envol doré d'une invisible colombe !

 

La nuit tombait lorsque nous franchissions les grilles de la grande maison : moteur coupé, la voiture s'arrêtait sous le lumignon clarteux de la cour, noyé parmi le lierre qui tapisse la façade.

 

Dans un silence nouveau nous posions nos pieds engourdis sur le gravier tardif en prenant conscience du ressac de l'altitude occulte dans les pins.

 

Et le matin : ciel et mer, telles deux mains bleues ouvertes sur l'envol doré d'une invisible colombe !

 

(Tant de gens ! Là où l'oiseau s'efface, où l'immaculé a conservé cimes et signes, ainsi qu'une sorte d'inhumaine et froide joie sur un visage jusqu'alors terne et mélancolique...

 

Joie que ne saurait masquer le secret d'une rencontre avec l'amour : là, sur le sommet, en une avalanche de parfaite blancheur, la mort souhaitable, en plein sommeil !)

 

Dans un silence nouveau, un vieil enfant, les pieds campés dans cette pulvérisation des choses qu'on appelle sable, écoute son aïeule aux mouvements turquoise lui réciter le « diable de Papefiguière » avec force enjolivements d'écume.

 

Ah ! Le matin : ciel et mer, telles deux mains bleues ouvertes sur l'envol doré d'une invisible colombe !

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 12:28

 

 

“Horrible travailleur”

 

 

Tel, devant son bloc de marbre informe, un ciseau d'une main, son maillet dans l'autre levé pour un coup cadencé, le sculpteur entreprend de dégauchir l'élan d'une invisible figure,

 

Il veut, comme le vent et la mer, mais plus vite, obtenir la forme en lui-même enfouie dans une profondeur dont son corps s'enveloppa, depuis le jour de sa naissance, en rêvant.

 

Telle une proue de rocher se tord à l'extrême des calanques, assaillie bruyamment par les frappes incessantes de l'écume, une lave ancienne et vitreuse surgit du percuteur qui réveille la pierre : des veines pourpres ou vertes attendent, ainsi qu'agathes, le moment de la patience polisseuse.

 

La victoire sera-t-elle sans tête, les ailes sauront-elles pétrifier suffisamment le vent, ce corps du désir, dans les plis des embruns ? Son visage, sa chevelure, à toi de les imaginer, lecteur, lorsque les mots auront assez creusé la page blanche pour qu'en toi s'insinue la distance qui nous séparait !

 

Selon les uns laideur, selon d'autres beauté, ou fascinante horreur, moquerie, inanité sonore, le marbre résonne cependant du puissant murmure de la mer, ainsi que ces conques immenses des abysses que grossit encore la loupe des ondes.

 

Alors, j'appelle ton regard, mon amour, pour qu'il cisèle d'une pointe aiguë son jugement solaire, tandis qu'autour et au-dessus de nous, nos âmes au zénith fusionnent dans un spectre éblouissant et mystérieux de Belle-au-bois-dormant.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 09:20

 

Inexplicable trinité

 

Tu es le frère de celui que l'on prend pour ton ombre. L'oreille contre la matière tu écoutes gémir le chaos, comme un enfant écoute circuler la sève dorée, tempe contre le tronc rugueux d'un arbre.

 

Beaucoup de tes proches se moquent, affirmant que tu es l'otage naïf et consentant de ton imagination divaguante. Que les autels souterrains où tes visions nocturnes celèbrent leurs rites, les voix des Hymnes à l'Invisible que ton inconscient transcrit de page en page, sont des fadaises.

 

Pourtant ces voix tu les entends, fraîches, sincères, quelquefois aiguës ainsi que des enfants qui chantent en secret dans un retrait de la cour d'école, où ils sont sûrs que nul ne peut les surprendre puisque y règne l'odeur d'urine des WC tout proches !

 

Seule, au gré d'un instant de caprice, en se pinçant le nez avec une grimace charmante, vient près de toi, pour écouter, la muse blonde, si souvent capable de changer de corps et de visage. Tantôt elle applaudit aux vocalises inaudibles, tantôt elle fait semblant que tu écoutes le chant du coucou, le cri rythmé de la mésange, ou le roucoulement rose des colombes.

 

Jamais certain de ce que ta mémoire te rapporte, tu griffonnes d'un stylo rageur sur des carnets pour témoigner de l'improuvable. Jamais les mots pourtant ne rejoignent ce vent qui soulève et emporte vers des horizons inassouvis la mer d'ombre où naufrage l'âme d'un Autre.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
22 février 2012 3 22 /02 /février /2012 12:18

 

 

                     Par un jour ordinaire de Février.

 

 

 

                                                                  Sol crescentes decedens duplicat umbras...

   

                                                                 (VIRGILE – Bucoliques.)

 

 

 

Tu disposes ta syntaxe de miroirs et tu attends que passe la fée-nixe...

 

Peut-être acouphène, un limonaire lancinant explore les venelles de tes souvenirs, tel un visage ami qu'on ne réussit pas à oublier...

 

Lointain manège d'anciens jours et d'absentes présences naïvement enluminées et historiées aux couleurs de la mémoire,

 

Pareil à la roue de fortune avec son sphinx et le singe dont les grimaces me ressemblent. Pareil à l'espoir fragile des résurrections,

 

Pâle aube d'hiver qui se distingue mal des herbes argentées et des mortelles phosphorescences du gel.

 

Ce que j'ai vu, qui l'aura vu, si nul au sein de cet univers cristallin n'occupe exactement ma place ?

 

Sous la cataracte de l'étang opacifié par le froid ainsi qu'un trop vieil œil, dans la pénombre fluide erre un poisson d'or avec lenteur ;

 

Serait-ce le silence de l'amour, cette carpe aux reflets vermeils, en forme de cœur aveugle, et qui rouille doucement dans les profondeurs ?

 

Sous les ramures transparentes, alentour, les biches aux airs de vierges effarouchées grattent le neige du sabot ;

 

À l'écart de cette grâce animale que rien ne saurait égaler, le mâle du troupeau, orgueilleux de ses andouillers, mâchonne des écorces.

 

Une odeur de vent glacial bleuit le profil des montagnes pures, que survolent les entrelacs inextricables de mon rêve, chrysaète solitaire...

 

Quant aux miroirs des versets, probablement miroirs aux alouettes qui là-haut scintillent en vibrant ainsi que d'obstinées étoiles,

 

Malgré la si longue attente, je dois avouer, non sans mélancolie, qu'il ne s'y reflète toujours personne.

 

Partager cet article
Repost0
20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 19:29

 

 

Dédicace ombreuse

 

À l'arbre qui sait d'avance quand il va être abattu.

 

À un pays qui se dessinait au-delà des brumes et

des fenêtres sans soleil.

 

À un amour proche et lointain qui tout ensemble

se donne et se refuse.

 

À une mer qui fut notre mère, à nous tous, les vivants,

et que nous abandonnons à l'ordure et aux fanges.

 

À une solitude venteuse, par nul autre explorée.

 

À un village perdu dans une enfance, que la rage

des eaux a ravagé.

 

À des aïeux du temps où la maison avec le tilleul

dans la cour résonnait de chansons.

 

À la dernière hirondelle qui a quitté le toit sous

lequel immigra le mensonge.

 

À une rivière qui n'avait jamais suscité le soupçon.

 

À ce chien qui mourut fidèle quelque part outremer.

 

À des amis depuis longtemps réduits à l'état

évanescent de spectres.

 

À l'ennemi qui brandit son poignard dans le dos

de qui s'abandonne à écouter les chants d'oiseaux.

 

À une nostalgie qu'aucun espoir ne remplira de poésie.

 

À un simple adieu, au cœur de l'indifférence.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 18:26

 

                        Au Temple d'Apollon

 

 

En esprit, environné d'une ambiance crépusculaire, le pèlerin errait parmi les ruines et les blocs éparpillés ça et là, ou encore empilés en moignons de colonne, certaines cannelées comme des tiges de fenouil. La brise anisée hululait de temps à autres à l'angle des sanctuaires lunaires.

 

Somme-nous seuls ? Nous ne sommes pas seuls, grognaient sur un tertre les silhouettes de plusieurs loups qui n'existaient pas assez pour n'être pas translucides. Même leurs hululements avaient on ne sait quoi d'inachevé, qui leur ôtait tout effet sinistre ou inquiétant.

 

La plaine se fondait en une mer jusqu'au flou de l'horizon. Les plus hautes vagues ? Comme attirées par la puissance de la pleine lune, elles cristallisaient en des voiliers laiteux qui s'enflaient, prenant l'alizé, et viraient cap au large, s'amenuisant rapidement.

 

Boucaniers spectraux, hollandais volants, dérapez l'ancre dans nos songes. Hé ! Ho ! Whaaa ! A l'abordage ! Il pleut soudain des bruits pareils à des dragées, qui laissent en fondant échapper des souvenirs de batailles. Mais Panurge et Pantagruel sont absents.

 

Nous cherchons tous le vacarme de l'amour ; le moindre écho venu des incommensurablement lointaines galaxies nous rend nostalgiques comme d'entendre, en février, mésanges ou pinsons. Les peuples se déchirent. C'est le canon qu'on entend, qui fait trembler les tentes de fortune où se terrent les réfugiés.

 

Vous vouliez de la poésie ? Elle coule, source empourprée, comme bat une aorte qui se vide de son sang. D'ici peu de temps, la muse n'aura plus rien à offrir que son visage exsangue et blême. Songes, fuyez. Douleurs puantes, emparez-vous des corps. Le dieu voit venir des siècles d'agonie !

 

 


Partager cet article
Repost0
17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 16:48

 

 

                                                    Mode d'emploi

 

 

 

 

Prendre le vent dans la blancheur latine, s'appuyer sur sa fuite

 

pour ouvrir un sillage où, se penchant, la passagère cherche à

 

entrevoir, parmi le bleu pastel, un reflet de sa beauté...

 

 

 

Qu'on lui offre une île, elle y débarque avec bonheur, s'allonge

 

nue au bord du friselis de l'eau, sur le sable parsemé de spirales

 

de nacre. Le soleil cajole ses pommettes de diamant, baise ses

 

lèvres de corail. D'un rayon insinuant repousse la pudeur des

 

plis et les ombres intimes.

 

 

 

Rougissante, elle demeure les yeux clos sur les airs vanillés

 

qu'elle respire. Son nez digne de Cléopâtre hume l'érotisme de

 

la nature, mếlé d'une forte senteur d'iode arrivant de la mer.

 

 

 

Il faut la laisser ainsi, l'oreille bercée au rythme du ressac s'écrasant

 

sur la grève, se retirant, revenant, sans progresser. Elle aime le

 

pétillement de l'écume qui se dissipe en imbibant le miroitement


du rivage.

 


 

Somnolente, elle est le centre d'intérêt des pétrels et des mouettes


qui s'assemblent à bonne distance. Elle aime s'imprégner de

 

l'atmosphère de désir que véhicule la brise, dont la fraîcheur


musquée ranime au fond d'elle la conscience d'être délicieusement


fendue.

 


 

Pendant ces heures-là, le marinier solitaire tire des bords au large,

 

soulevé parmi les crêtes écumantes, les verdeurs où tressautent des

 

dauphins et plusieurs bancs d'éclairs argentés.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 10:34

 

Ambitions inabouties


 

J'ai voulu rendre au ciel un peu de la clarté


Qu'il avait lorsqu'un ascenseur d'altitude pure


Élevait dans l'azur la Vierge de mon enfance


Dont le front blanc couronné de roses laissait


Neiger de brillants pétales irisés pareils


À de petites bulles de savon qui éclataient


Tour à tour après quelques secondes et la brise


Alors sentait le soleil, le thym, le mimosa


En fleur...


                              Un clan ocre rose surgissait des blés


En herbe et se dispersait en envol de petites


Colombes – six, douze, vingt quatre ! - qui


Roucoulaient comme des heures parfois


Effarouchés par la voix des cloches sombres,


Au clocher de fer forgé dominant l'église.


 


 

Rendre aux pages un peu de cette blancheur des hivers


Que je voyais par la fenêtre de ma chambre de malade


Lorsque le nez écrasé contre la vitre froide


Qu'embuait peu à peu mon souffre, j'observais


La neige qui tombait en propulsant


Indéfiniment toute la maison vers des hauteurs


Blafardes : ainsi qu'au décollage d'un engin spatial,


Mes genoux d'abord, et tout mon corps ensuite,


Étaient envahis par cette sorte de vertige délicieux


Dont j'ignorais alors qu'il fût celui que l'on ressent


Lorsqu'une femme nue amoureusement vous invite


Entre ses jambes, et que votre cerveau, bouleversé


Par les hormones mauves, brusquement


Ressemble à une nuit qu'illuminent sans arrêt

 

Des salves de feux d'artifice ou de fusées éclairantes !


 


 

Avec des mots, j'ai tenté d'étreindre un merveilleux


Fantôme de nuées : cette beauté de mes douze ans


Qui sommeillait comme en hibernation dans son château


Doré et qui, croyais-je, m'attendait depuis des siècles


Alors que de salle en salle d'invisibles hauts-parleurs


Diffusaient faiblement une musique de hautbois


Astringente comme le citron où Myrtho imprimait


Ses dents...


                    Après tant d'autres j'espérais, moi-aussi,


Réveiller la Pythie assoupie depuis des millénaires


Parmi les colonnes de Delphes en ruines...


Ou à défaut cette Sybille endormie sous l'arc de Constantin,


Dont Gérard de Nerval parle dans un poème :

 

 


Les échos de ma voix n'ont eu aucun effet.

 

 

Partager cet article
Repost0