L’ESSEULÉ
Sur la couche perfide et mince des mots, pessimiste, il hasardait pourtant ses pieds d’iule, nombreux, aveuglément suivant la piste d’un espoir mortel.
Aèdes rétifs
Prisonniers d’un malheur durable, entre les cordes de leur luth ou de leur lyre, ils s’obstinent à garder captives les vibrations couleur d’aluminium, d’acier, de boyau, que leurs étoiles respectives inspirent à leur destin.
Convaincus des superstitions qui les relient à la constellation où fulgure l’astre de leur naissance, ils s’en remettent à ses pinces de lumière pour trier, dans le fatras hérité aux allures de musée ou de boutique d’antiquaire, les formules survivantes.
Ils sont les jardiniers de leur langue. Il en recueillent la graine à l’instant qui voit le vent l’arracher au corymbe de l’esprit, et patiemment guettent, dans le rose des soirs et des matins, l’éclosion tardive ou précoce.
Leur joie n’est ni veille ni sommeil lorsque pointent au-dessus du niveau des bavardages ordinaires une ou deux petites langues vertes, signe d’un mariage des racines avec leur terroir. Ils sont les indigène d’un pays immatériel.
Et pourtant leurs préoccupations profondément terre-à-terre ramassent en chemin tout souvenir, même tombé dans la poussière, tels des enfants collectionnant les vignettes glissées sous le papier d’argent du chocolat.
Ils espèrent toujours que, même froissées ou salies par la boue, le images que le hasard leur a offertes combleront les cases encore vides jusqu’à suppléer l’insupportable absence qui persiste ici et là dans le grand livre du monde.
Aphorisme pour Serge
Tel un coq, dans l’odeur du fumier, sur une patte lance son cri écarlate en défi au soleil, le poète debout sur le charnier hurle à plein coeur, sur le ton de la beauté, le répertoire des menaces limitrophes à tout ce qui palpite et meurt !
Fin de parcours
Entré dans le labyrinthe vêtu d’un manteau de neige, il y rencontra le printemps et, nu comme Éros, croisa sur son chemin pavé d’un grand soleil d’été une masse énorme et brillante car nappée de mouches vertes, sous lesquelles il finit, tant la puanteur était forte, par reconnaître le cadavre du Minotaure.
L’automne peut-être, mais l’hiver... plus jamais !