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7 octobre 2008 2 07 /10 /octobre /2008 09:29

Sonnet pour la fin


Celui qui parle dans le vent

ignore où celui-ci emporte ses paroles.

L'autre, qui parle en écrivant

ignore où ses feuilles s'envolent...


Près de ma lampe, en attendant l'aurore,

je rêve, plume en l'air, devant mon papier blanc.

Le livres sont fermés, rangés comme des morts

au cimetière – en eux, parallèle troublant,


des auteurs gisent, parfois depuis deux mille ans !

Mais à voir le bourbier où le globe s'enlise,

je n'ose plus guère espérer que quelqu'un lise


Homère ou Mallarmé dans le siècle à venir.

La Technique détruit la cervelle des gens ;

et le règne de l'Homme est au bord de finir.


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7 octobre 2008 2 07 /10 /octobre /2008 09:27

L'insouciance


Quelques gamines – environ quinze ans -

circulent dans la rue, bousculant les passants,

s'esclaffant bruyamment d'un air moqueur

pour attirer l'attention. Leur attitude est aussi peu

conventionnelle que leur accoutrement ! Elles ont

des diamants sur l'aile du nez, des tatouages

sur l'épaule, des coiffures «en pétard», des habits

trop longs, trop courts, trop fripés – c'est «tendance»

je suppose ! Certaines, malgré tout, sont gâtées

par la nature. D'autres non. Toutes rient avec

insouciance : l'étonnante et merveilleuse insouciance

de la jeunesse heureuse d'être pleine d'énergie

et d'une insolente santé. Je me dis qu'à leur âge,

moi, je n'ai jamais connu cette période heureuse.

J'ai vécu dans le souci que j'inspirais aux miens,,

enfant si malade, si longtemps, si triste. Mais aussi

dans le souci que je m'inspirais à moi-même – conscient

bien trop tôt que je n'étais qu'un être humain

destiné à mourir dans un proche avenir. Sans avoir

connu quoi que ce soit des choses graves de la vie,

ni compris la raison d'être de l'univers... Je cherchais

obstinément à travers les sciences, les religions, les arts,

peinture, musique surtout, littérature de tous les pays,,

le fin mot de ma présence si pénible, ici-bas. Depuis,

je n'ai pas cessé : ayant survécu à moi-même, contre

toutes probabilités, à soixante-quatre ans, je cherche

encore. Mais sans illusions !


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7 octobre 2008 2 07 /10 /octobre /2008 09:25

 

 

                        Traquée...


Elle était montée dans le wagon visiblement

au tout dernier moment. Avant de me tourner

le dos, elle avait cherché un instant dans mes yeux

la lumière dont elle s'était enveloppée pour que

je la regarde... : à demi-défaite, la chevelure

en bataille. Un peu essoufflée. De ses épaules

pendait un blouson de cuir d'où un blue-jean's

artificiellement élimé par endroits tombait jusqu'à

ses bottines. C'est alors qu'on se laissait aller à un

demi-sourire. L'une des jambes de son pantalon

descendait normalement sur le soulier, l'autre

était restée prise dans le revers de de la bottine,

très au-dessus de la cheville ! Cette disparité,

dont elle n'avait pas conscience, amusait fort

les autres occupants du compartiment. Un vague élan

de sympathie me pousse à m'approcher de la jeune

femme qui me tourne toujours le dos et je lui

touche légèrement la manche pour lui désigner

ses pieds. Je n'en ai pas le temps. Elle me fait

brusquement face avec dans son regard une telle

expression d'animal effrayé, que je n'insistai pas,

m'excusai et retournai me rasseoir, me demandant

comment il se pouvait que dans un wagon

de métro bondé, une femme puisse être ainsi

terrifiée simplement parce qu'un inconnu, poli

et visiblement dénué de mauvaise intention,

                          tente de lui parler...


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4 octobre 2008 6 04 /10 /octobre /2008 09:02


           Sonnet pour la fin


Celui qui parle dans le vent

ignore où celui-ci emporte ses paroles.

L'autre, qui parle en écrivant

ignore où ses feuilles s'envolent...


Près de ma lampe, en attendant l'aurore,

je rêve, plume en l'air, devant mon papier blanc.

Le livres sont fermés, rangés comme des morts

au cimetière – en eux, parallèle troublant,


des auteurs gisent, parfois depuis deux mille ans !

Mais à voir le bourbier où le globe s'enlise,

je n'ose plus guère espérer que quelqu'un lise


Homère ou Mallarmé dans le siècle à venir.

La Technique détruit la cervelle des gens ;

et le règne de l'Homme est au bord de finir.

 

 

 

 


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2 octobre 2008 4 02 /10 /octobre /2008 10:27

                     Être et exister

                                    à O.V. De Lubicz Milosz et Paul Celan

Quoi de réel au bord de la rivière ?

Une pierre d'abord. Puis des cercles

Sans fin s'amenuisant jusqu'à la rive.

Une autre pierre, une autre encore : étonnement

Renouvelé que l'image brisée

Ondule et se reforme ainsi, nonchalamment.

Tel est donc l'Univers en sa manière d'être.

Tout s'y détruit et s'y reforme constamment.

Mais la pierre du Moi, avec le «lourd amour»,

Tombée au fond de l'eau ne remontera pas.

Les ondes tour à tour se briseront contre la rive.

Et la Réalité pure, froide, rassérénée,

Continuera de dérouler son film

Comme un fleuve impavide

Qui ses reflets, tranquillement, dévide...

(Aucun «Moi» ne peut bien longtemps

Perturber la Matière !)


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1 octobre 2008 3 01 /10 /octobre /2008 17:23

                                  Insomnies

Navire soudé au récif la grande maison

craquait, la nuit, dans sa membrure et ses charpentes

au carrefour de vents contraires

qui lui soufflaient discrètement le message iodé

de la mer... Sur ma couchette en merisier,

étroite et courte comme étaient les lits

de nos ancêtres, j'écoutais dériver dans un

froissement soyeux la lune et les étoiles, qui

de temps en temps glissaient un mince doigt

laiteux à travers les jalousies des volets. Le temps

alors se distendait immensément, les heures

sombraient avec une imperceptible lenteur,

étiraient leur latex jusqu'au fond de l'abîme

où les galaxies rôdent en tournoyant ainsi

que méduses luminescentes. Une senteur

d'huîtres fraîches et de marée traversait

périodiquement la chambre chaque fois

qu'un grand requin, plus noir que l'ombre

dont sa forme était composée, virevoltait

d'un mur à l'autre au rythme des feuillages

qui berçaient leurs frissons, dehors,

à la hauteur du clair de lune. Temps

de paix et douceur, de minuits parfumés

au lavandin, à l'anis, au jasmin. Des merles

rivalisaient avec les rossignols dans le cyprès

en sentinelle au fond du parc. Roulades, trilles

en cascade, enchantaient mon demi-sommeil

traversé d'anges nus, de magiciennes au profil

parfait, aux yeux vertigineux d'amandes sombres,

aux chevelures qui, par mèches, sur le front

retombaient comme plumes de corbeau.

Il y avait aussi une Princesse-au-loin, dont un

bandeau ceignait la blondeur répartie en deux

masses égales, et puis le Chevalier Antar

sur son destrier à croupe luisante, qui venait

en aide aux pauvres veuves de Syrie et du Liban :

armure noire – Allahou Akbar ! - casque damasquiné,

avec en pointe le Croissant d'argent niellé. A travers

le vaste désert nocturne, un spectre de moi-même

s'aventurait à la recherche du trésor secret

des Pharaons, turquoise et or, encens et papyrus.

En ce temps-là le Sphinx avait encore son nez

et l'on entendait à l'aurore gémir longuement

le Colosse de Memnon. J'écoutais dans la chambre

voisine, alterner les respirations régulières

de mon père et de ma mère. J'imaginais la paix

qui détendait leurs chers visages endormis

et j'étais heureux sous mon édredon.

 

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25 septembre 2008 4 25 /09 /septembre /2008 09:41

 

                      A un Ami

Notre amitié du temps où la fontaine,

- l'endroit de tous les rendez-vous -

faisait encore entendre un ruissellement doux

(à présent, elle est tarie et le tartre au fond

du bassin s'écaille au soleil parce que l'orme

qui la protégeait de son ombre est mort)

notre amitié – elle – survit non sans

mélancolie...

                               Lorsque nous traversons

la place du village, aux rares occasions

où nous y revenons, il semble que, nous seuls,

nous n'aurions pas changé jusqu'au moment

où je découvre dans tes yeux un éclat

couleur de lessive qui n'a plus grand'chose

du bleu ciel de ton regard ancien...

Puis c'est ta barbe grisonnante, les plis

de vieux dindon plumé qui pendent

à ton cou : si la fontaine était encore

ce miroir où nous nous regardions jadis,

je m'y verrais semblable à toi. Presque

jumeaux dans le noir tremblement du temps !

Mais au miroir de l'amitié, ce miroir

où l'on s'aveugle volontiers, éblouis

par l'invisible qui demeure intact

entre nous, dans ce miroir-là, tous deux

en traversant la place qui a tant changé,

nous nous voyons comme autrefois

auréolés de la gaieté de nos vingt ans !


 

 

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23 septembre 2008 2 23 /09 /septembre /2008 09:45

                  O   Aithèr

 

Du fond de Suburre, du fond

des sentines de l'âme tel un passager

clandestin durant tout le voyage -

secoué par les tempêtes invisibles, ballotté

par la houle comme certain Bateau Ivre -

il tient en aveugle, quasiment dans le noir,

une sorte de «Journal de bord» un peu

décousu, erratique, fait des éclats de ce qu'il

imagine à partir des rumeurs étouffées

qui lui parviennent des ponts supérieurs :

ponts qui relient entre eux les inconcevables

étoiles, les « stars », dit-on en pidgin ! - ponts

par où les anges vont et viennent entre

terre et ciel au-milieu des senteurs de jasmin

à l'aurore, et des poussières d'arc-en-ciel.

Il rêve du jour de sa délivrance, lorsque

les fers, vieux et rouillés, auront fini par se

briser ; et qu'il pourra lui-même emprunter

l'escalier magique pour En-Haut, cet endroit

où l'air n'est plus vicié mais si riche et si pur

qu'on l'avait surnommé - aux temps heureux

des Héros et des Dieux - «o aithèr», « l'éther »...

Un endroit où, juste, il pourra enfin converser

avec les Justes : Socrate, Epicure, Platon, Jésus,

Bouddha, et quelques autres, qui somme toute,

ne sont pas tellement nombreux. Là-Haut, où

rayonnent une infinité d'astres solitaires et de

nébuleuses irisées, dans la lumière noire qui

sera pure parole, tous liens coupés avec

l'infecte existence d'En-Bas, peuplée de frères

humains déloyaux, menteurs, coupe-jarrets,

tricheurs, truands, assassins d'enfants, de veuves,

criminels jamais à court d'imagination pour des

horreurs nouvelles, il connaîtra enfin la paix.

 


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21 septembre 2008 7 21 /09 /septembre /2008 16:33



                   Clin d'oeil



Depuis que le monde est moderne,

sonnets, odes, ont bien vieilli.

Les vers ont pris la mine terne

des gens qu'on n'a pas accueillis.



Au vent s'effacent les poèmes,

non lus, comme feuilles moisies.

Il n'est que la prose qu'on aime,

les romans sont notre ambroisie !



Ma foi, ces fleuves de langage

où l'on vit par procuration

ont le don de me mettre en rage !



Dans une époque où tout est triste,

où même l'art est « réaliste »,

n'a-t-on plus besoin d'illusions ?

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21 septembre 2008 7 21 /09 /septembre /2008 16:04

                     Une sorte d'adieu



C'est une sorte d'adieu, lorsque, le regard

vague comme un nuage qui déjà s'éclaire

d'un autre horizon – qu'on ne peut voir

depuis la terre – les enfants qu'on aimait

quittent l'enfance, auprès de nous laissant

une sorte de fantôme, un vide translucide

comme une urne gonflée de cendre et

de souvenirs ; et les voici qui se jettent

au coeur des menaces, joyeux, inconscients

peut-être, tout imbus de leur neuve force,

quelquefois insolents par ivresse de liberté.

Puis, de temps à autres, ils reviennent au nid,

blessés, pour se faire soigner, reprendre pied.

Et on les soigne avec tendresse et affection

comme si, pour nous, le temps avait accepté

de revenir en arrière, de nous restituer avec

l'impression fugace de n'avoir pas dépassé

la trentaine, nos délicieux, nos fascinants

bambins d'autrefois.

                                        Mais l'illusion ne dure

pas, et comme nous, jadis, ils repartent,

l'oeil fixe et noir, vers les batailles de la vie...

 


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