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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 11:04


 


A force de méditer sur l'injustice

non seulement celle des hommes

qui est patente, mais surtout celle

de la «nature» qui, pour autant

qu'un humain en puisse juger,

semble au fondement de tout l'univers,


tu finis par te demander si ce n'est pas

la vision de la Justice par l'esprit

des humains qui est une folie...

La justice que chacun réclame

en se prétendant victime n'est jamais

que justice-pour-soi et en fonction d'un songe :


quand j'entends mon voisin, plein d'amertume,

gémir sur le prix du gazole sans cesse

en augmentation ; sur le prix des automobiles,

sur le pris des fruits, légumes, steacks, poissons ;

sur le fait qu'il n'a «plus les moyens de s'en aller

passer des vacances en croisière à l'autre bout

du monde», je demeure pensif : mon voisin se dit

«socialiste», «très à gauche», ajoute-t-il. Or,


il déclare au détour de la même conversation

qu'on «n'a pas réussi dans la vie si l'on

ne roule pas en BMW»; et qu'il est «indécent

que des inconnus aient squatté l'appartement

qu'il possède dans le 6 ème, avant qu'il ait

trouvé un nouveau locataire...» (L'ancien,

devenu subitement chômeur, avait laissé

six mois de loyer impayés

                         en guise de cadeau d'adieu !)

Des préoccupations qui sembleraient

probablement d'un luxe surréaliste à la majorité

des pauvres gens qui sur la terre, à grand'peine

et dans un dénûment inimaginable, essaient,

tant bien que mal, de survivre, ne sachant même pas

qu'ils sont les trois quarts de l'humanité.


Il ajoute «qu'être de gauche et riche n'est pas

nécessairement contradictoire, et que c'est même,

pour tous, souhaitable».

                                                                    Puis le monsieur s'interroge

sur les moyens «humains» de déloger les intrus sans devoir

faire appel à la force publique – une décision qui serait

désastreuse pour son image, et surtout, dit-il, «gravement

contraire à sa conscience.» Je l'ai quitté sous le premier

prétexte venu. Les discours de certains, l'âge venant,

me sont devenus tout simplement insupportables.

 

 



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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 11:01


Lorsque nous disposons de l'électricité, en général

quelques heures par jour, souvent nous allumons

l'antique lecteur de DVD, qui fonctionne encore.

Nous puisons au hasard dans la collection de disques

vidéo de mon arrière-grand-père que nous avons

pieusement conservée. On y trouve un peu de tout :

des films oubliés, des documentaires, des vidéos

familiales où l'on voit revivre des gens inconnus,

vêtus de façon bizarre, probablement des amis

ou des membres de la famille que nous n'avons

jamais rencontrés, des enfants depuis longtemps

morts de vieillesse. Fascinés, nous regardons

ce monde qui était si différent du nôtre. N'importe qui,

en ce temps-là, pouvait prendre l'avion pour aller

visiter les antipodes. N'importe qui pouvait monter

dans son automobile ou dans un train rapide

et se retrouver quelques heures après aux sports

d'hiver, à la campagne, au bord de la mer, ou chez

ses parents, à plusieurs centaines de kilomètres

de chez soi. Sur les marchés, à côté des banales

carottes, des pommes de terre, des poireaux,

on pouvait acheter des kakis de Chine, des mangues

du Brésil, des crevettes d'Equateur, du café du Kenya.

Partout d'immenses magasins regorgeaient de produits

et d'objets exotiques les plus divers, tels que

le lecteur de DVD que nous utilisons et sur lequel

on lit, un peu effacés par l'usure, les mots «Made

in Japan». Depuis, le monde a bien changé. Derrière

de hauts murs, chacun cultive, en grand secret,

son potager. On ne voyage plus qu'en rêve, hormis

si l'on fait partie de ce qui reste de gouvernement,

de diplomates et de militaires. Les trains rouillent

dans les gares. Les pistes des aéroports ont disparu

sous la végétation. Une faune interlope squatte,

dans la jungle qui envahit les bâtiments de verre,

les recoins dont les toits ne sont pas écroulés.

Les plus riches vivent sur des voiliers de croisière

armés comme d'anciens vaisseaux de guerre...

Quant aux gens « ordinaires », ils n'ont plus le moyen

de savoir ce qui se passe de l'autre côté de la terre.

                          Et nul n'en a plus rien à faire.

 

 

 

 




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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 11:00

Le sous-bois doré

Feuille à feuille offre à la terre

L'or du temps qui passe



Grenouille et rosée

Au calice de l'arum

Petit Bouddha vert



Soleil matinal

Sur les toiles des épeires

Galaxies fragiles


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6 juillet 2008 7 06 /07 /juillet /2008 19:46

             Juillet déjà là
        L'été de mes souvenirs
          Sent l'ambre solaire
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22 juin 2008 7 22 /06 /juin /2008 12:20




                          L'étang sous la lune
                  Quand le nageur s'est noyé
                            Un parfait miroir




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21 juin 2008 6 21 /06 /juin /2008 19:44
Depuis sa mère, il avait donc, dès l'origine
pris conscience qu'une part radieuse
du genre humain ne lui ressemblait pas...

Il errait - disons - sur l'océan de l'existence
à la façon d'un yacht solitaire et désespéré
qui dans la nuit fait et refait sans cesse
le point sur les étoiles et se retrouve à chaque fois
davantage perdu ; pour lui c'était cela
les femmes, dans la vie. Et même l'étoile
du Nord ne l'orientait pas mieux : incertaine
et fidèle, capricieuse et prévisible, inattendue
et logique, systématique et fantasque, à elle seule
Aïlenn était pour lui l'archétype des Eves !

Et plus les années s'envolaient, plus la conviction
que l'énigme du féminin était insoluble, au fil
du temps cristallisait en certitude : un peu comme
une stalagmite dans le noir prendrait par magie
ou par hasard la forme d'un autel dédié à quelque
obscure déïté d'où nous serions nés dans le sang...

On dit qu'aimer rend transparent ce qu'on ne peut
saisir. Et que "l'on ne voit bien qu'avec le coeur".
En réalité, le coeur n'y voit goutte : il ne nous sert
qu'à consentir. Ainsi, les femmes, quel que soit
leur albédo, leur magnitude, leur proximité ou leur
éloignement, à ses yeux restaient des êtres dont l'éclat,
la fascinante nudité, la tendresse au-delà de tout,
demeurait trop éblouissant pour que quiconque pût
discerner en leur rayonnement une parcelle
de cette vérité qui permettrait de les comprendre.




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21 juin 2008 6 21 /06 /juin /2008 19:08
Devant nous, elle s'étendenrt, les neiges :
immaculé futur où consigner nos pas.

Un amoncellement de pages que sans doute nous n'écrirons pas,
tandis que le soir avance et réduit la montagne, qui fut grande et bleue,
à  une crête pourpre comme un lumignon lointain
au-dessus d'une mer d'ombre.

Les neiges qui répandent l'illusion d'un monde propre, nettoyé,
semblable à ce qu'on a décrit comme l'angoisse de la page blanche.

Alors que rien ne vit, qui ne soit gribouillages, ratures, brouillons,
fumier malodorant, croissance et décomposition.

Alors que rien ne vit qui ne soit impur, traître, mensonger,
changeant, alors que rien ne vit qui ne naisse barbouillé
de sang : d'une sombre beauté qui ressemble, au printemps,

quand le blanc a fondu, à la surprise, au revers d'un talus,
d'un orgueilleux coquelicot des champs.

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16 juin 2008 1 16 /06 /juin /2008 09:12


                             La plaie

Dans l'ombre de la chambre, au soir
tombé, tu écris presque dans le noir,
à la seule lueur d'un gros bouquet de roses blanches
qui conservent obstinément le souvenir du jour.

Il te semble qu'une lampe, allumée, détruirait
dans l'air le gris fourmillement des mots
que tente de saisir ta vision intérieure.

Les objets mêmes, autour d'eux, développent
une aura insoupçonnée et prennent vie intensément,
de la façon que Ravel décrivit dans "l'Enfant et les Sortilèges".

C'est surtout l'horloge qui fait écho désormais aux époques
disparues, elle parle de ta mère, qu'elle évoque
toute jeune encore avec son doux et merveilleux sourire,
quant elle retenait ta main pour t'éviter, toi l'intrépide
l'irréfléchi, de tomber dans l'escalier fraîchement ciré.

Elle parle de ton père, quand il t'emmenait, par les tièdes
après-midi, voir le lézard vert sur sa pierre ensoleillée.
Nous l'avions baptisé Tycho à cause du museau
qu'il tenait toujours levé, avec l'air d'observer la lune
pâle, présente dans le ciel d'été comme une hostie
qui aurait quitté l'ostensoir déclinant du soleil
en train de s'oxyder à l'occident, afin d'être sacrée
"Reine de la Nuit". La voici justement qui revient

dans la pièce, obscure à présent, compter les meubles
et les bibelots avec ses doigts démesurés par leurs
ongles d'argent. Son sourire dit ; "Salut beau parleur !
Je suis le signe et ascendant de la naissance, affreuse,

qui t'avait, en déchirant ta mère, jeté comme une plaie
hurlante, une plaie-vive au beau milieu de la sereine
Perfection du Monde : une plaie que l'instant de ta mort
                 seul pourra peut-être refermer...."















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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 17:12
                                 Alchimie


                   C'était une fille ordinaire
                   des traits exagérément peints
                   plombaient son visage poupin
                   et lui donnaient un air vulgaire.

                   L'oeil morne sous une paupière
                   lourde, elle écoutait ses copains :
                   leurs histoires de chauds-lapins,
                   semble-t-il, ne l'enchantaient guère.

                   Presque absente, elle subissait
                   la laideur du monde, et la sienne...
                   Un jeune couple qui passait

                   sembla faire qu'elle revienne
                   sur terre : elle sourit alors,
                   ce qui changea le plomb en or !
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16 mars 2008 7 16 /03 /mars /2008 22:30

 

Bibliothèque

 

Là-bes, au bord du monde, où sont

les horizons dorécarlates et leurs

montagnes de cristal, là-bas où les neiges

gardent parfois longtemps les empreintes

des dieux comme nos plages celles

de vacanciers nus et bronzés,

 

Là-bas, j'irai, par la seule force

de l'esprit s'il le faut, à l'heure

de ma mort : j'y déploierai durant

mon agonie tous les sortilèges du rêve,

de telle sorte qu'une d'entre les divinités,

fût-ce la plus rétive et la plus ombrageuse,

finira par me laisser, par l'invisible

porte que j'aurai si constamment cherchée,

entrer dans la Bibliothèque où sont rangés,

chacun accompagné de son livret

explicatif – ô merveille – tous les

secrets de l'univers... Hélas,

 

il ne sera plus temps de les mettre en poèmes !

 

 

L'invisible mongolfière

 

Quand j'étais plus jeune, j'étais agacé

par la candeur, parfois inconsciemment

rouée, des enfants qui viennent vers vous

avec leurs yeux presque transparents et leur malice

en gros sabots que l'on entend venir

de loin ! Fillettes, garçons polis ou petits

voyous en herbe, pourtant je les aimais bien

tous. Leur confiance m'honorait.

Leur loyauté m'apportait une sorte de bonheur.

Leurs secrets minuscules, ou au contraire

gros et lourds, il venaient me les apporter comme on jette

un cadavre d'animal pourri dans un vieux

puits insondable et désaffecté ! Puis repartaient

aussi joyeux qu'ils avaient été graves

et quelquefois au bord des larmes

en arrivant. Et l'on aurait dit que c'étaient

mes peines à moi que leur joie retrouvée

emportait, comme une sorte d'invisible

mongolfière, vers d'autres cieux.

 

 

 

La Mélancolie

 

Plutôt que soleil noir, je dirais lune noire

de la Mélancolie – qui nous donne sur toute chose

le nocturne regard de l'Archange désenchanté :

à quoi bon le Savoir, la Raison, la Géométrie,

si l'inexplicable lumière de la mort éblouit tout ?

L'autre nom de Mélancolie serait « Révélation ».

Que la plénitude du dieu se soit creusée

de cette bulle de néant, notre univers,

afin que s'y déroule le film infiniment tragique

qui a pour titre « Vivre », et que nous nommons exister :

cette sorte d'imperfection par déficience d'être,

là se tient le site originel de la lune noire, la source de

l'irradiante mélancolie dans le clair-obscur de laquelle

les constructions des hommes, à peine érigées,

ont des contours de ruines. Et c'est pourquoi

je n'attache pas d'importance à ce que mes écrits

ne soient que les débris humains de ce noir

astre de poésie dont s'est nourrie ma rêverie

nervalienne lorsque, jeune homme, je prenais

l'appel moteur, obsessionnel, du vide

tapi au coeur du sanctuaire, pour du désir.

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