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14 juillet 2008 1 14 /07 /juillet /2008 13:16

                    Euthanasie


Que savent-ils de la souffrance et de l’état

d’esprit de celui, de celle, qui a compris à cause

de l’allégement soudain des soins et l’arrivée de la morphine,

avec son cortège de rêves, de délires, d’égarements

dans l’espace et le temps, que savent-ils pour oser

décider – ou ne pas décider – de l’heure qui m’attend

(la dernière, à chacun la sienne !),

                                                  en décider après conciliabules

entre « famille » et « personnel soignant », comme si la mort

était compréhensible, comme si elle n’éprouvait pas

les vivants à force de se faire attendre, et que l’on pût

à ce propos choisir un « meilleur » moment entre

tous les moments du hasard, que savent-ils les dévoués,

les bien-intentionnés pour oser

                                                     décider, ma foi, à ma place ?

Et comment savoir, moi vivant, ce qu’in articulo mortis

je vais penser – alors que le rêve de la majorité des humains

reste de voir partout disparaître la « peine de mort » !

 



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14 juillet 2008 1 14 /07 /juillet /2008 13:04

                      Légende future


Nous voici donc, plus nombreux que jamais,


enserrés de réseaux électroniques comme

un banc de harengs brillants pris au chalut,

seuls, dans un monde en train de se détruire.

« De se construire ! » corrige un jeune homme

inconnu qui lit par-dessus mon épaule. Hélas,

les jeunes ont l’insigne chance de n’avoir pas

de souvenirs. La mémoire du passé leur parvient

sous forme de « on-dits », quand la nôtre, à nous

les « vieux » - mot jeté avec quel mépris ! –

nous est restituée sous forme d’expérience.


Aujourd’hui l’affaire de notre monde n’a plus

aucun rapport avec les opinions de ceux

« qui voient le verre à moitié vide, ou bien

à moitié plein ». Le déséquilibre qui entre

par effraction dans le temps de l’humanité

a ceci d’étrange qu’il ne pourra se compenser

qu’au bout de cent ou deux cents millénaires

(dans le meilleur des cas). La planète en sera

pour toujours métamorphosée : dans les contes

et légendes des misérables tribus du futur


- ce désert pelé où je les imagine, c’était

la Normandie, ces plaines désolées, la Beauce,

ce canyon aride, la Mer de glace, ces ruines

habitées par quelques rats et rares animaux

sauvages : la Bibliothèque de France ! (Quand

aux bipèdes errants, pouilleux, indigents,

ils se désigneront sous le nom de « français »

sans plus savoir pourquoi !) – on se racontera

le temps des « vertes prairies de la Terre »,

le temps des pluies fraîches de printemps,


des cités dorées, du tourisme et de l’automobile.


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13 juillet 2008 7 13 /07 /juillet /2008 12:01

         Réchauffement climatique


Du ciel, du vent, du bruit et du chagrin...

L'enfance sans retour et qui vous hante en vain.

La lutte des fantômes qui pleurent dans nos mémoires.

Histoires de vivants – comme sont toutes les histoires.


Il n'en restera rien, du point de vue de la planète.

Rien... Dans ses soubresauts géants, ta Terre est prête

à broyer, oxyder, engloutir, fossiliser nos os.

Des rivages entiers déjà s'enfoncent sous les eaux.


Déjà ! Et l'on n'entend parler que de séîsmes,

de typhons, tsunamis, dévastations, éclipses :

les animaux sont fous, les humains, davantage !

Chacun regarde l'autre avec une sorte de rage.


«L'homme est un loup pour l'homme», disaient

                                                                          les anciens.

Que diraient-ils, en nos temps de sociétés folles

qui se battent pour du vent, des croyances, du pétrole.

Aujourd'hui, plus que jamais on s'entrégorge pour un rien.


Courage, Terre, encore un siècle ou deux à cette allure,

Et l'homme aura bientôt délivré sa Mère Nature

d'un rejeton trop turbulent et, somme toute, parasite...

Tout en le déplorant, un pareil avenir m'excite !


J'imagine les mers de toute la planète,

libres des chalutiers et des tankers, qui se remettent,

dans chaque épave en train de rouiller par le fond,

à multiplier algues, mollusques, crustacés, poissons...


J'imagine les airs, redevenus limpides,

les forêts que n'agresse plus aucune pluie acide.

Des oiseaux qui n'ont plus à craindre les avions

vivement remplissent le ciel de cris et de chansons.


Personne pour chasser les animaux splendides

que sans repos traquaient des braconniers avides.

Partout des fleurs fragiles font éclater le béton,

partout des branches fortes comme des pythons


étouffent les villes en ruine et les font disparaître.

Le monde qui renaît est un monde sans maîtres.

Plus de murs, ni de toits, ni rien de ce qu'ont façonné

                                                                          les mains

industrieuse, opiniâtres, malfaisantes, des humains.




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13 juillet 2008 7 13 /07 /juillet /2008 10:23


                    POINT DE RUPTURE


Il y a loin de ce monde à l'autre,

non pas le divin auquel, certes, je ne crois pas,

mais le monde qui sera, demain,

avec tous les changements supplémentaires

qu'on peut imaginer. Souvent, je l'ai rêvé.


Selon mon rêve, il devait être nettement

meilleur que le présent. Les humains plus libres

et plus fraternels ; plus honnêtes aussi, plus droits.

Moins constamment jaloux les uns des autres,

moins envieux, moins acharnés à faire mordre

à leurs pairs, surtout les plus brillants, la poussière.


Je n'envisageais pas que notre quotidien

pût se détériorer, ou seulement stagner.


Depuis constamment me revient cette obsession de l'ombre,

la hantise – prémonitoire ? - que s'abatte la nuit.

La vraie nuit, celle de l'esprit, la nuit argentée

pour laquelle les seuls astres qui comptent

sont les valeurs en bourse ; et les seules planètes,

les bulles financières qu'ils s'agit d'empêcher

le plus longtemps possible (afin d'y trouver son profit)

d'éclater à la figure des gens sans étoile.


La nuit de l'ignorance où l'on trouve les sectes,

les religions, ratées ou réussies, les gourous, les escrocs,

les arnaqueurs, les clowns qui flattent le gros rire

du peuple « empublicitaillé », les professeurs de mort :

tout ceux qui ont choisi, pour des motifs pervers,

de travailler au déploiement des ténèbres ! Oh !


Le monde qui sera demain : je l'avais rêvé aussi bleu

que le ciel de Méditerranée ; avec la lumière

partout ciselant finement les arbres et les fleurs,

les maisons et les hommes... La lumière consciente

intercédant entre les choses ainsi que font

les cigales entre l'air et l'écorce, suçant l'ambre

du coeur obscur. La lumière de l'universelle

tractation entre les différents qui reviennent

au même, et s'accordent d'un désaccord

                suturé par l'esprit

comme une plaie  cicatrisée par la beauté...



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12 juillet 2008 6 12 /07 /juillet /2008 20:10

                         Dans leurs têtes


Assis dans le métro, souvent pour me distraire,

je spécule sur ce qui se passe dans la tête

de ces gens qui me font face

ou profil : cette bonne grosses dame

emballée de noir et voilée de blanc telle

une bonne soeur – mais islamique – avec

ce regard profond des vieilles qui en ont

« vu – comme on dit – de toutes les couleurs... »


J'essaie d'imaginer son paysage mental :

Moins de français que d'arabe dialectal.

Plus d'expérience dans des lieux couverts

de poudre rouge et desséchés par un soleil

aux rayons inflexibles... A circuler dans la

campagne verdoyante, au bord des rivières

d'ici – Tout ce vert ! Tout ce vert ! - elle a

sans doute l'impression de se trouver

au Paradis.

                                   Et que sait-elle des quasars,

des galaxies, des particules de charme,

des exoplanètes, des neutrinos, du spin,

des hadrons, des espaces feuilletés,

du calcul intégral, de la chimie biologique,

de l'économie planétaire, de la théorie des choix... ?

Si j'entrais dans son cerveau, certaines

zones de la connaissance me paraîtraient

tellement exiguës sans doute ! (Mais, qui sait,

d'autres peut-être d'une ampleur insoupçonnée...)

 

 


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10 juillet 2008 4 10 /07 /juillet /2008 11:23


           Manitou, le castor et les animaux révoltés.


On croit toujours que l'herbe est plus verte et plus grasse

dans le champ de notre voisin,

que son enclos a plus d'espace,

que sa vigne a plus de raisins...

C'est que l'envie, surtout chez les Gaulois

qui de l'égalité ont voulu faire loi,

est une tare, avouons-le, des plus communes :

si l'ignorance est son moteur, la bêtise fait sa fortune.

Trop tard le plus souvent, l'envieux reçoit ses torts,

comme en témoignera l'histoire du castor

que me conta jadis, un jour d'été indien,

dessous sa véranda, un ami canadien

et trappeur de surcroît. La fable, la voici

- prenez un rocking-chair -, elle commence ainsi :


Quelque part dans un coin perdu des Laurentides,

semé comme on le sait de monts, lacs et marais humides

qu'en eaux abondent mille fleuves et torrents,

les orignaux, les cerfs, les herbivores leurs parents,

et même d'autres animaux qui ne broutent pas d'herbe,

les loups, les ours, les renards, les furets,

sur un ton vengeur et acerbe,

réveillaient les échos de toute la forêt.

Ensemble, ils réclamaient contre la même cible.

Rugissant, mugissant, beuglant, bramant à l'unisson,

chacun apostrophait l'Être Unique, l'Inaccessible

qui, depuis son palais masqué par l'horizon

à force d'outremer,

nonchalamment règne sur l'univers :

le grand Wacondah-Manitou.


Les humains font souvent d'un rien toute une histoire,

l'animal, lui, se plaint rarement sans raison.

Le grief en l'occurrence était notoire :

il s'agissait des errements et des divagations

d'un certain ru à travers les pâtures.

«Lorsque la neige fond sur les pentes du Mont Tremblant,

clamaient-ils, nous n'avons plus assez de nourriture !

Les eaux recouvrent tout de leurs débordements !

Il faut faire cesser pareille erreur de la nature !

Il y a trop longtemps que l'injustice dure :

un véritable dieu soigne ses créatures !»


Manitou, qui dormait, s'en trouva réveillé.

Le vacarme montait jusqu'à son oreiller

de cumulo-nimbus : une clameur confuse

dont le sens échappait. Après avoir bâillé,

perplexe, il se gratta l'occiput : on abuse,

là en bas, pensa-t-il, de ma suprême Majesté.

Qu'ont donc ces braillards à se révolter ?

Je m'en vais convoquer sur l'heure le grand harle,

il m'instruira : il faudra bien qu'il parle.

L'oiseau à tire-d'aile arrive près du lieu

céleste où se trouvait le lit-trône du dieu,

et d'un caquet mal assuré fait l'exposé

des animales rouspétances :

«Trop longtemps arrosé,

le pays, Majesté, perd sa vertu broutable,

(Mais je ne fais que rapporter d'infimes doléances,

- pour moi, cette affaire est sans conséquences !)

il s'ensuit chaque année une famine insupportable...»

Sitôt le palmipède congédié,

Manitou, juste dieu, conçoit de remédier,

à une situation qui a troublé son somme :

Un champ ne doit-il pas nourrir son homme ?


Il décide aussitôt d'envoyer le castor :

«Lui saura, pense-t-il, dompter un ru trop fort,

en endiguer le cours en maçonnant ses rives.»

Sitôt, dans la région notre castor arrive.

Il a vite compris de quoi chacun pâtit.

Il creuse sous les eaux, il s'efforce, il bâtit,

il perce des canaux, érige des barrages,

bref, dans les profondeurs, voici qu'il aménage

sans faiblir un instant toutes sortes d'ouvrages,

et se voit au printemps bientôt récompensé

quand le dégel démontre aux incroyants qui prient

encor, les effets de son industrie :

sagement la rivière obéït à son lit,

le temps de la disette est aboli.

Chacun broute à sa faim. Chacun mange de tout

à satiété jour après jour en louant Manitou

lequel, glorieux, a regagné sa couche de nuées.


Mais les bêtes, d'abord par l'heureux dénoûment

calmées, après deux ou trois ans s'étant habituées

à leur nouvelle vie, cherchent le quoi et le comment :

«Ce compère à queue plate, insolite émissaire

envoyé par le dieu, quelqu'un l'a-t-il vu faire

quoi que ce soit pour nous aider ?

Qui peut croire qu'il a jugulé la rivière

à lui tout seul ? On a droit de se demander

quelle est sa compétence en la matière...»

«Il a le poil collant, et la peau terne.

D'ailleurs dans la sombre caverne

par lui creusée au coeur des eaux,

un ragondin de mes amis affirme qu'il hiberne.»

«Oui : c'est le genre à faire de vieux os

dans un refuge à lui seul accessible !

C'est pour ça qu'il est invisible :

Il mange notre pain et dort ! Et quant à moi,

il ne m'a jamais inspiré confiance !

Je le prends simplement, ma foi,

pour un habile parasite : et donc je pense

que nous ferions fort bien de lui donner congé.

Le moindre d'entre nous en serait soulagé !»


Le castor qui oeuvrait, toujours inaperçu,

dans un creux de la berge, entendit ces propos

prononcés haut et fort : «Message bien reçu !

murmura-t-il, en lissant sa moustache.

Je vais ailleurs prendre un repos

bien mérité : à vous l'ingrate tâche,

messieurs les beaux parleurs !» D'un doigt menu,

il noua son maigre ballot, quitta sa cache

sur le champ et s'en fut, comme il était venu.

On le sut au printemps. Ses détracteurs, la mine

triomphante, observaient : «Rien ne change au menu !»

Ce qu'il advint, beaucoup plus tard, on le devine.



          Le coq de bruyère

 

Un jour certain coq (de bruyère),

- c'était en septembre, je crois -

chassé du lieu où il vivait naguère,

trouva refuge dans un bois.

Ses habitants, chacun dans son patois,

renard, martre, mulot, chauve-souris, cervidés qu'on devine

au loin, sanglier, serpent, passereaux, pie et corbeau et fouine,

de siffler, de bramer, d'aboyer d'une unanime voix :

«Comme il a bonne mine !

Que son chant est nouveau !

Comme il a de vigueur ! Mille, mille bravos !».

L'un admirant les plumes colorées du volatile,

l'autre vantant des qualités que je crois inutile

d'énumérer ici, tous avec grand honneur

l'accueillirent, amitié et chaleur.


Le temps passa. L'oiseau remplissait son office

d'oiseau. Et même y ajoutait quelques services

gracieux afin de bien montrer sa gratitude d'étranger :

il « échangeait », - n'a-t-on pas raison d'échanger ?


Il devint à la mode, on le montait en grade...

On le nomma même « phénix » le jour de la Parade :

quand ceux du bois voisin viennent, une fois l'an,

par raison de coutume ou de rite, ou de la nuit des temps,

si tant est qu'on ait là quelque raison qui vaille,

avec femelles, parents et marmaille,

pour visiter les lieux

en touristes : enfin, tout alla pour le mieux

un temps. Si les humains sont versatiles,

autant l'est la gent forestière, en premier les reptiles.

Sous les buissons : «Qu'a-t-il de plus que nous ?»

entendait-on siffler. «Bientôt, devrons-nous à genoux

adorer cet oiseau qui n'est pas de notre collège ?

C'est trop de privilèges !»

Un autre murmurait : «C'est, dirais-je,

quelque paon échappé d'une fable, ou bien quelque diva

égarée parmi nous !» «S'il s'en va,»

ajoutait un troisième avec acidité,

«ni mes amis ni moi n'allons le regretter !»


Or, l'oiseau détesté

d'abord rétrogradé à son rang ordinaire

de quelconque coq de bruyère,

qu'il n'avait nullement demandé de quitter

du temps qu'il avait fui les chasseurs imbéciles,

s'en retourna trouver asile

ailleurs : et le bois retrouva son train-train monotone,

ses infimes cans-cans, et ses insipides automnes.

 


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10 juillet 2008 4 10 /07 /juillet /2008 11:01


De l'autre côté de l'invisible


Quand je serai parti là-bas

où l'ozone bleuit les Champs Elyséens,

où l'on va et revient souvent en songe

jusqu'au moment où l'on n'en revient pas ;

quand j'aurai traversé l'invisible

voile qu'on ne franchit jamais

qu'en un seul sens, il se pourrait,

parmi les vieux visages de là-bas, mais aussi

les enfants, tellement nombreux, tellement jeunes,

que j'y rencontre un parent, et même

peut-être mon père ou ma mère, dans un

village très ancien niché parmi les arbres,

où les gens sont assis sur le seuil des maisons

tandis que les enfants qui ne grandiront plus

jouent dans la rue et qu'on entend, par les fenêtres

ouvertes des étages, les rires de bébés

qui n'auront jamais faim. Oh ! Quelle paix,

quelle douceur dans l'air irrespirable !

Nulle fumée aux cieux ne monte en se tordant

comme un serpent : d'ailleurs là-bas,

il n'y a plus aucun serpent depuis longtemps.

Il y a l'éternel, tellement bizarre, tellement

rêvé, tellement étranger à nos pensées

qu'en revoyant le visage aimé de ma mère,

je risque bien finalement de ne pouvoir la reconnaître.


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10 juillet 2008 4 10 /07 /juillet /2008 10:49


                     Le Rappeur


Il vivait d'une vie si triste, dans une cité

si noire. Ce n'était pas vraiment la misère.

Certes, l'on n'y mourait pas de malnutrition

comme au Darfour. Les enfants n'étaient pas

nus, le ventre ballonné, les joues décharnées,

à courir dans la poussière rouge pour un peu d'eau.

On n'en était pas là, certes. Cependant si l'on

veut bien considérer qu'est aussi grave la malnutrition

spirituelle : pour les âmes de la cité, on en était

à presque un siècle de disette et il ressentait ça

comme une intenable souffrance, au milieu de laquelle

il fallait bien pourtant tenir. Alors il écrivait

des textes indécis mi-romans, mi-poèmes, mi-enfer,

mi-paradis. De la tendresse à la colère, le langage

était pour lui une sorte de no-man's land, un espace

lunaire où il errait à son gré entre d'invisibles

frontières que rien ne permettait de déceler, sinon

le moment où recommençaient les avanies et les mépris

des abrutis, qu'il devait néanmoins, pour raison d'éthique

considérer comme ses frères : mais l'humaine forme exceptée,

il lui semblait souvent que rien ne pouvait être, en vérité,

commun entre ces malheureux aux manières grossières,

brutales, sans même un souvenir de ce qu'était l'amour,

et lui :  tout entier habité par un être lumineux

qu'en d'autres temps, l'on eût qualifié de « Madone ».

 


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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 12:23

                                                         Foudre verte


à ma Mère


Et toi tandis que gronde le cristal des orgues et le dies irae de l'orage dehors


toi petite et fragile et mince comme honteuse d'en être réduite à tes os et réfugiée dans le chêne entouré de chrysanthèmes et de cierges d'où rayonne de profundis un astre noir toi


tu n'entendras pas ce poème-ci mais seule sous la dalle où est gravé ton nom dans cette grande nuit qui moi-aussi m'attend béante porte noire si tu peux quelque chose entendre ce ne sera rien que le froissement solennel de l'air dans la couronne des pins quelques roucoulements de tourterelles et au-delà


des murs du cimetière un poème qui n'est pas mien l'effrayant poème ordinaire du monde écrit comme sous la dictée d'une verte tramontane poussant à travers une âme incendiée les mots des mots roussis ainsi que feuilles mortes


mots qui seront un jour entassés avec les anciennes télévisions les radios les innombrables machines qui ont plu déluge de ferraille et de plastique sur l'humanité et sans doute brûlés dans un immense autodafé d'où s'envoleront des millions de pages tel un envol de corbeaux noirs qui tirent d'aile en direction de la lumière


là-bas où nimbée d'une éternelle aurore et ceinte d'une écume immaculée l'Île d'Emeraude continue de rayonner bonheur et liberté sous la forme d'une apparition souriante sur sa conque jeune femme à jamais blonde en cheveux jambes longues avec pour clef de voûte un rien de mousse parfumée Aïlenn qui descend fouler d'un pied menu la cendre de la grève la change en pollen doré


puis s'avance sous les allées ombragées de cytises et de cerisiers en fleur


Et la voici qui lave sa nudité claire dans la fraîcheur des fontaines hume l'anis et le thym l'odeur salace des roseaux coupés par des faunes cachés sous les buissons à pleins poumons soufflant dans leurs syrinx pour fêter la Belle-enfin-arrivée


Ici elle cueille un lys, une rose plus loin comme si elle attendait de la sérénité matinale où la pleine lune dans l'azur s'attarde à verser une ou deux larmes laiteuses que tombe une foudre verte un poème empenné de phrases vibrant longuement au coeur du silence après avoir franchi le seuil de l'infini par la porte incarnat de ses lèvres


Un poème qui redirait l'amour du monde que croyait avoir perdu dans la noirceur des jours de deuil et les hymnes funèbres le poète désespéré.


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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 12:09



                              Soleil levant


Soleil levant, lointain cousin de cette épeire

qui vient chaque matin tendre sa toile de lumière

acrobate au travers des fers de mon balcon,

je n'oublie pas que le mot «sol» signifiait «solitaire»

mais quelle joie de voir tout ce qui n'est pas seul

pris dans les rêts libérateurs de la lumière !


Les montagnes, là-bas, en suspens sur la mer

sont ciselées jusqu'au moindre détail

dans la transparence de l'air.

La brise est douce sur la grève. Mes cheveux se soulèvent...

Senteur de thym, odeur de citron du matin.

Un rien d'écume retrousse

le bavardage blanc des vagues. Un embrun rebrousse

son chemin de sable, en emporte la poussière

jusqu'aux nuées, joli froissement de longue

jupe sur le parquet dédoré d'une valse de Vienne.


Du haut de la colline, entre les maisons que l'éloignement

miniaturise, j'aperçois des avenues d'arbres roux et bleus.

Avril commence à refleurir et de nouveau se redessine

la surface des champs : on se croirait à la saison qui s'ouvre

après la crue du Nil, quand à coup de blé en herbe

et de moutarde jaune, le printemps

entreprend de restaurer la géométrie des champs.


Mais, de fait, l'hiver n'est pas fini et si j'imaginais

par avance un autre moment, c'est parce qu'il ne reste

à celui qui a tout perdu, pour couvrir le cri

de sa souffrance, que le langage de la poésie

afin de survivre ici-bas, puisque c'est un devoir.

Ou peut-être une chance.

 

 




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