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26 octobre 2008 7 26 /10 /octobre /2008 20:14

                       Demain peut-être...



Demain peut-être verrons-nous enfin

ressusciter la vraie lumière et s'élever

sur les montagnes et la mer, l'archange empourpré.



Tous secoueront la tête, dans les rues,

dans les maisons, avec l'impression de se réveiller

d'un long rêve obscène et maléfique.



Leurs yeux, en découvrant – comme on reçoit

une douche bienfaisante d'eau glacée -

la réalité, découvriront aussi combien était épaisse



la ténèbre du mauvais rêve. Une acide clarté

inondera Auschwitz ; rongera les atrocités malsaines

de l'Histoire. Déshabillera pour toujours de leur gloire



les statues que l'aveugle humanité a élevées

à sa propre stupidité. Ses radiations traverseront

comme des rayons X le souvenir des Pol-Pot, Mao,



Staline, Hitler, et de mille tyranneaux qui pour être

de moindre envergure, n'en ont pas pour cela

moins de sang sur les ailes, - n'en laissant que des



spectres blafards en forme de hideux squelettes

qu'un seul souffle de feu pur va recroqueviller

et consumer comme brouillons de poèmes ratés.



Demain peut-être... après l'écroulement de cette mousse

de néant irisé qu'on appelle «civilisation technologique»,

nous verrons enfin ressusciter la vraie lumière !



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25 octobre 2008 6 25 /10 /octobre /2008 12:50

                                           Le soleil



Alors que par les haut vitrages de la classe         une lueur grisâtre enveloppait les platanes de l'avenue          et les lampadaires encore allumés



tombant blafarde      sur les vieux pupitres constellés de noms inconnus     d'entailles de canifs et de maculatures        en faisant luire le bord encastré des encriers de porcelaine qui



nous observaient      avec leur petit oeil noir où tremblait une encre de seiche à l'odeur inoubliable           je la revois encore      en ce jour d'hiver         ma première institutrice



personne aux formes généreuses      Comme un jeu        de sa voix suave et autoritaire      elle nous demanda d'expliquer qui nous aurions voulu être



si le choix nous en avait été laissé          L'un a lancé « un roi »      l'autre le nom d'un acteur de cinéma fameux tout à fait oublié - sic transit gloria... -           un voisin a crié « Napoléon »



Mon tour venu          un instant j'ai pensé que j'aurais voulu être       ma mère peut-être       ou plutôt ma grand'mère     et puis face au ridicule de pareille réponse



à tous incompréhensible         et qui n'eût pu me valoir que des quolibets      j'ai jeté subitement     sans réfléchir     « le soleil »     Il y eut alors un grand silence         au sein duquel je me sentis très seul



J'ai fixé avec obstination         la date écrite au tableau noir comme tous les matins      - 12 décembre 1955 -     dans une belle onciale à la craie que nous nous efforcions tous d'imiter



Madame Corbey – même son nom me revient ! -       m'interrogea doucement :         « Mais le soleil n'est pas une personne         c'est un astre      Il ne pense pas      Pourquoi donc vouloir être le soleil ?      Peux-tu nous expliquer ? »



En me sentant rougir        j'ai pris une respiration         et déclaré d'un trait que d'abord le soleil n'était jamais malade que s'il ne pensait pas c'était tant mieux pour lui ça lui évitait de souffrir et aussi de se prendre pour Napoléon



Mon voisin m'a enfoncé son coude dans les côtes         « Mais surtout, ai-je ajouté, c'est parce qu'il répand sur tout     hommes animaux plantes et même sur les cailloux        la joie et la lumière et que tout



devient beau grâce à lui       dès l'aurore        alors que les choses sont affreusement tristes      quand il est      comme aujourd'hui       absent »     et puis



aller se coucher dans un bon lit de nuages pourpres et dorés        en regardant monter la lune et sa garde étoilée       ça me semblait tout à la fois magique et confortable...



Il y eut un second silence plus pesant que le premier        et dans un vertige ouaté         j'entendis la voix de notre institutrice :       «  Très bien ! Dit-elle. A présent nous allons faire une courte dictée... »



Quant à mes déclarations sur le soleil     il n'en fut plus jamais question.

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18 octobre 2008 6 18 /10 /octobre /2008 10:23



                                          En attendant...



L'enfant dans sa poussette, qui ne me quitte pas

du regard. Cet autre qui traverse et retraverse

ce coin du jardin public avec un jouet bizarre.

Temps de ciel clair... J'ai rendez-vous avec

Aïlenn, ses longs cheveux, ses yeux couleur

d'Eden. Le paysage relève de pluie et les feuilles

semblent vernies par la lumière. Un seul nuage

s'effiloche au vent de l'altitude ainsi que blanc

d'argent qu'on étale sur fond d'outremer avec

le pouce ! Un enfant traverse et retraverse

l'allée du jardin public avec un jouet bizarre.



J'ai rendez-vous. A une heure assez imprécise.

Alors j'attends sur un banc, observant les jeux

des gamins qui se roulent dans le bac à sable.

Là-bas, les fillettes glissent, jupe en l'air, sur

des toboggans aux couleurs vives. Des lutins

dans une maisonnette jaune et rouge jouent

à la marchande. Ils paient les cailloux qui sont

des pains ou des légumes en monnaie de gazon.

Il y a aussi cet enfant qui traverse et retraverse

l'allée, avec un jouet bizarre. Une mère passe,

tirant son bébé dans une poussette ; les yeux



noirs de l'enfant ne me quittent pas, jusqu'à

ce qu'un arbrisseau s'interpose. J'attends

Aïlenn, sa mince silhouette, son visage rieur,

parmi les pigeons qui s'envoleront. Elle est

mon amour... Dans mon dos, le banc devient

un peu plus dur. Il est fait de vieilles lattes

de bois dont s'écaille la peinture verdâtre.

A travers la grille du jardin, j'aperçois

un homme assis sur le trottoir, barbe grise,

vêtu de gris sale, une bouteille vide près

de son genou. On entend les fillettes chantonner.



A présent, elles font une sorte de ronde gracieuse

et gaie comme le soleil qui fait briller les feuilles.

Un moineau, voletant, vient m'inspecter longtemps.

Il juge ma présence ici plutôt suspecte. Il reste,

tête à demi levée et son oeil noir interroge

mon immobilité. S'envole soudain car le même

enfant traverse et retraverse, devant moi, l'allée,

avec dans ses mains un jouet bizarre. J'attends

Aïlenn et cette blonde aura qui l'environne

d'un bonheur que je vois venir de loin. D'ailleurs

là-bas, l'angle de l'avenue s'éclaire : et la voici !





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14 octobre 2008 2 14 /10 /octobre /2008 09:12



                          Allegoria



Plus seul que le vent dans la nuit

à l'heure où tel frémissement immense

nous fait savoir que la forêt

entreprend de compter ses feuilles vives...



Plus seul que la rivière qui de roc en roc

n'a personne d'autre à poursuivre

qu'elle-même et s'offre une illusion

de compagnie en multipliant les reflets



sous lesquels en vain elle se dissimule...

Plus seul que la carpe tricentenaire

qui n'a pour passe-temps que de chercher

du museau tout au fond, tout au fond de l'eau



les monnaies d'argent que lui lance la lune

et ne trouve qu'un lit éteint de graviers refroidis...

Plus seul que le mélèze, à la pointe de l'altitude,

qui de mille doigts verts recense les étoiles



hanté par l'impression qu'il en manque une...

Tel est-il, le poète, enveloppé de sa mélancolie

pensive, de ses joies, au-milieu des «frères humains»,

tandis qu'il cherche en lui à réparer le monde.





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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 12:00

                                  L'Argens


 

Revenu au bord du fleuve, simplement

revenu comme on revient de guerre,

l'esprit en loques, les yeux creux,

le corps fourbu et le fusil en bandoulière.



Arbres, prés verts, reflets, tout rafraîchit

ma fièvre en réveillant mes souvenirs.

J'avais par exemple oublié cette petite blonde

avec qui je venais regarder le rocher aux truites...



En claquant de la queue, le corps arqué

au dessus des cascades, les beaux poissons

remontaient le courant jusqu'aux bassins verdâtres

où zigzague l'araignée d'eau, imprévisiblement,



tandis qu'au dessus de la nappe étincelante

tournoient en dansant des nuées d'éphémères.

Au bord du fleuve revenu, je cherche du regard

le brochet, les tanches d'autrefois, les ombles



vifs comme l'éclair entre un trou de rocher

et l'autre... Sans le vouloir, je me retourne

pour parler à cette jeune fille en robe simple,

qui n'est plus là ; je quitte la réalité afin



d'aller pêcher son nom et son visage au fond

de ma mémoire. Mais celle-ci est comme l'eau

qu'un reflet changeant moire. Plusieurs visages

flous paraissent plus s'effacent. Tant d'hivers



se sont succédé qu'il n'y a plus la moindre trace...

Ici, pourtant, elle posait sa tête dans les herbes

échevelées. Là, sur la mousse, elle s'asseyait

pour, sans me regarder, débiter sourdement



un stock de reproches acerbes. Si son visage

est devenu trop vague, il me reste l'image

nette d'un frison de cheveux, sur sa nuque,

à côté de l'oreille ; et aussi quand, vers moi,



elle s'efforce bravement de sourire à travers

ses larmes, la vision, dans un tendre écrin

couleur de cyclamen, d'un collier ravissant

de menues perles qui devaient être ses dents...



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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 11:55

 

                          Chez le vieux Rajah

 

Le vieux Rajah        dans son palais ruiné         avec quelques rares serviteurs fidèles          Ses habits d'un luxe admirable, rebrodés d'or terni et de perles fatiguées, élimés jusqu'à la trame en certains revers        Il avait pourtant fière allure et sur son beau visage raviné      un serein équilibre en imposait



Avec l'affable dignité d'une famille issue du fond des siècles         il nous avait reçus sans cérémonie extérieure          mais chacun de ses gestes nous semblait dicté par un lointain passé



Il nous parla des vicissitudes de l'âge        de Brahma         de réincarnation           dans un anglais choisi avec un souverain et touchant naturel          Quelle fascination à l'écouter         tandis que mon regard errait sur les tentures et les fresques tachées par l'humidité             sur les piliers ornés et les décorations aux tons éteints de la haute salle d'apparat



Il fit un geste de la main          On nous servit du thé       avec quelques pâtisseries sucrées aux parfums indéfinissables     puis un moment après         un autre vieil homme arriva qui tenait un sitar         et il joua longtemps une musique aux sons à la fois nasillards et plein de charme



D'abord par politesse     ensuite peu à peu par intérêt     quand nos cerveaux eurent inconsciemment        débrouillé l'écheveau de règles secrètes qui régissait l'insolite musique        nous écoutâmes avec une sorte de connivence    oui     disons-le mystique



L'éternité prit fin     Le Rajah sortit de la torpeur qui le berçait     décroisa ses genoux      ouvrit les yeux    se leva et après un salut sommaire       d'un pas lent s'éloigna vers ses appartements



Un serviteur     débarrassant la table basse        enlevant les coussins    nous confirma que l'entrevue avait pris fin      et nous reconduisit à travers le dédale des cours



jusqu'à une poterne ruisselant des fastes du soleil couchant     laquelle nous vomit dans une bruyante ruelle où circulait      innombrable et bigarrée      contournant les vaches placides      une foule klaxonnante braillante tintinnabulante      motos vélos autos camions peints de vives couleurs      et autres véhicules improbables



A cet instant il nous sembla que nous avions appris ce qu'était le silence    Désormais     ce silence-là      je n'allais plus jamais l'oublier.







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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 11:53

         Orphaeus



Un peu comme un retour

de la mémoire du futur

que l'on n'attendait plus



Adieu douleur adieu chagrins trop lourds



L'escalier qui – du noir caveau -

après bien des faux-pas et des efforts

ramènerait un corps à la lumière



Ne te retourne pas Surtout ne te retourne pas



Sorti de la Caverne des ombres

fuligineuses, luttant avec les Bêtes Fantastiques

l'homme allongé roide sexe dressé



Et le bison massif petite tête barbichue cornes énormes



Des milliers Des millions d'années

Adieu voix lancinantes des ancêtres

mes aïeux ! Rien que l'émotion pure de renaître



Et devant moi son aurore étonnée...







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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 11:51

 

                      Versatiles



L'aurore en frémissant descend dans la rivière

où le soleil s'exerce à lancer des couteaux.

Le hommes du matin lui ont jeté des pierres

puis ont pris le chemin des vignes régulières :

il faut tailler les ceps hérissant les coteaux.



Ainsi sont les humains : c'est bien dans leur manière

d'essayer de briser les miroirs les plus beaux

afin de lapider l'intangible lumière :

quand la Beauté les fuit, leur âme rancunière

se venge en l'accusant d'engendrer tous leurs maux...



Qu'une femme refuse de se laisser faire,

adieu l'adorateur, le soupirant dévot !

La belle qu'ils aimaient n'est plus qu'une mégère,

une putain, une salope aux moeurs légères.

Leur désir se retourne et leur monte au cerveau !



Croient-ils vraiment que c'est faire honneur à leur mère,

parce que leur désir demeure sans écho,

que de honnir toutes les femmes de la terre ?

Croient-ils vraiment qu'ils vont adoucir leur misère

en jetant leurs amours au fond du caniveau ?






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9 octobre 2008 4 09 /10 /octobre /2008 10:35


Matin d'octobre



Une fois quittée l'obscurité ses flambeaux vacillants et son plain-chant funèbre quand après la dernière marche on fait le premier pas


ébloui par l'alcool doré de la lumière

 

combien les arbres balançant leurs lourdes ailes vertes et les enfants poussant des cris oxygénés en se laissant glisser aux toboggans bleus du jardin public


paraissent ravivés ainsi qu'un paysage après la pluie béni par un soleil nouveau qui partout Hosanna jette ses palmes rayonnantes sous les pas de celui qui revient des confins de la Cimmérie


Des fillettes font la ronde dans la cour chantant que pour avoir l'âme légère il faut aller au bord de la rivière et raconter ses cauchemars à l'eau qui court Leurs nattes nouées d'un noeud rose ou vert battent l'air comme pour faire signe à leurs futures amours


Un instant le vieillard accablé les écoute se redresse gaiement et d'un pas guilleret reprend sa route Il croise une passante avec son cabas noir d'où dépassent quelques légumes Il lui sourit d'un vrai sourire exempt de toute trace de son ancienne amertume


ébloui par l'alcool doré de la lumière


Au fond de l'avenue le vent aide les balayeurs à disperser la poussière en sifflotant les éboueurs remplissent leur camion d'ordures par l'arrière L'automne ce matin se déguise en printemps


Le bleu du ciel semble emprunté à mes anciens regards d'enfant Par une fenêtre entrouverte entre entre l'air attiédi par une sorte d'innocence On dirait tout d'un coup qu'au lieu de reculer le monde avance


ébloui par l'alcool doré de la lumière


comme si la ville avait retrouvé la douceur des matins de France.

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8 octobre 2008 3 08 /10 /octobre /2008 16:24

Aïlenn endormie


De son mufle étoilé, la nuit t'a décoiffée

à force de chercher, dans tes cheveux, l'aurore.


Elle est en nous comme un plongeur dans les abysses

qui cherche le trésor d'un galion englouti.


Qu'un blond reflet soyeux miroite au milieu des ténèbres,

parmi les draps froissés, et notre coeur bondit.


L'amour lui fait battre tambour dans le silence.

Mille fleurs d'ombre d'un seul coup éclosent dans la chambre !


Une odeur où se mêlent la mer proche et le froment...

Bientôt il fera jour. Bientôt mes yeux parmi les vagues


iront cueillir l'azur qui tombera du ciel et sa lumière

obstinément s'y brisera en reflets écumants...


Tu dors encore. Les yeux clos ; la respiration régulière ;

sans doute rêves-tu à quelque rivage infini :


Des palmes, des calanques rouges, un sable qu'on prendrait

de loin pour de la neige. Et la piste de tes pieds nus


qui s'éloigne vers l'horizon à la recherche du Galet

Inconnu ! J'attends que tu reviennes de l'Ailleurs.


Je veille ton visage ainsi qu'une braise dont va

ressurgir, bleue et or, une flamme magique


du moindre courant d'air que la lune, au balcon,

pour se distraire de son insomnie s'efforce d'animer


en s'éventant avec les hautes branches assoupies.

Mais ce sont les langueurs de l'amour qu'elle réveille


au plus fort de l'été alors que le soleil, par-dessus les monts

d'Italie, caresse d'une main dorée nos corps entrelacés.

 

 

 




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