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9 décembre 2008 2 09 /12 /décembre /2008 11:16


             Printemps 2050


Ouvrant mes volets... La rue, le jardin ; ciel

laiteux et soleil voilé de mélancolie. Silence.

De rares oiseaux. Muets. Plus de bruit, ni de

motos, ni d'automobiles : la dernière du genre,

quasi-neuve, celle d'un riche personnage,

j'imagine, a dû être abandonnée quelque part

en rase campagne, lors de sa dernière panne

sèche. Les stations rouillent lentement au bord

du bitume, avec leurs pompes inutiles, figées

dans un éternel garde-à-vous. Ici et là brillent

les vitres d'autres véhicules à l'abandon.

Ils servent désormais de jouets aux enfants,

surtout lorsque leur radio fonctionne encore.

Les sièges sont maculés de traces de pieds

et de taches d'origine indéfinissable. Certaines

servent de refuge aux vagabonds, sans-abris

qui sont, hélas, de plus en plus nombreux

depuis la fin de l'ère industrielle. Les avions,

même militaires, sont aujourd'hui rares : une

traînée blanche à travers le ciel est un sujet

de curiosité. Personne ne fait plus de grands

voyages, car le rayon d'action des véhicules

électriques ne le permet guère. L'énergie et

l'eau sont devenues à ce point coûteuses

et rationnées que partout l'humanité

se replie sur elle-même. Pour les activités

indispensables : ballons dirigeables et navires

atomiques. Le commerce est au ralenti et

chacun a dû apprendre à réparer indéfiniment

les objets de tous les jours. Fini le temps

où l'on changeait de téléviseur, de lave-linge,

de réfrigérateur, et ainsi de suite, pour le seul

plaisir de posséder nouveau et plus moderne.

Le seul mot de «consommation» résonne

aujourd'hui comme une grossièreté. Chacun

n'a d'estime que pour ce qui est fait pour

durer. J'ai conservé pourtant, dans un tiroir

de mon bureau fermé à clef, quelques anciens

catalogues d'agences de voyages des années

2010, bien à l'abri de la lumière. Parfois,

je les regarde, en souvenir de ma jeunesse.

Je rêve devant les photos de l'Amazonie

et d'autres paysages jadis couverts de forêts,

aujourd'hui semi-désertiques : des photos

de l'Âge d'or, de l'irréel Age de l'Or Noir.

 

 

 

 

 


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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 12:43

                               Aile absente.


Parce que le Poème - comprenez-vous ? - ce n'est rien

comparé à une plage qui, frangée de cocotiers

et festons de lianes pendillant en guirlandes

festives, resplendit sous la lumière des tropiques...

Avec oiseaux criards, épaves, troncs flottés,

et longs rouleaux d'écume incessamment renouvelés

à repousser obstinément les avances du sable.

(Sans même qu'il soit besoin d'ajouter au tableau

quelque vahiné aux seins splendides, assise

sur un paréo à fleurs rouges et blanches, les yeux

mêlés aux jeux miroitants de la mer, là-bas,

où des pinceaux de feu tombent de la nuée :

femme émanant d'un a b s o l u présent,

et vers qui, comme devant une Aphrodite antique,

l'âme, désespérant de la parole, s'envolerait à la faveur

d'une transparence désespérant la parole...)


En somme, c'est une plage sans aile, cette page

ensemencée d'un silence de neige

pareil - en négatif - à ce précurseur sombre

qui suscite l'éclair destiné à longtemps

éblouir la rétine avec sa déchirure

d'encre noire où réside, odeur d'ozone et d'encens,

une foudre que rien, en vérité, n'atteste.


Un monde chatoyant de tapis chamarrés et de rêves

avec des villes très anciennes, hantées de ruines rouges

et de tessons de poteries ; au dédales des ruelles

les portes carrées aux vantaux bleus s'ouvrent sur

des jardins rehaussés de fontaines et de prairies

où des figuiers étouffent des stèles obliques entre leurs

racines ; une foule bigarrée se presse sous les arcades

des marchés couverts en coassant dans des langues

inouïes. Par dessus les arbres aux palmes immuables

trônent en plein ciel bleu des cordillères enneigées

que leur reflet malaxe au fond d'immenses bassins

où s'avançaient jadis, dans un halo de rires féminins

et de violes d'amour, les barques pavoisées des reines.



 

 


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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 12:12



                 Dame blanche...


Ce que nous n'avions pas compris, du temps

de notre jeunesse effervescente, est que les rêves

ne sont que les constellations inapprochables

grâce auxquelles nos désirs, nos pensées orientent

leurs caravanes parmi les areg d'une réalité

abrupte de plateaux pierreux et rares oasis.


Blanche au loin, à vous je rêve, Dame au loin,

Visage aux cheveux bleus, cité que n'oserait

fréquenter aucune ombre et que les mots

seuls ont quelquefois l'audace

de vouloir esquisser à l'horizon du coeur ;

vous êtes la Clémente, couronnée de roses,

vous êtes la Pythie du peuple disparu ;

vous êtes le Sommeil où nos racines plongent

et la Terre où bientôt je serai morfondu.


Il m'a toujours paru qu'il fallait un visage

à l'espoir : le tien, Aïlenn, sa couronne solaire

de blondeurs, cette expression de secrète

compassion envers les gens, les femmes, les enfants

surtout, cette sorte de préférence pour les êtres

en duvet d'avenir, faons, oursons, cabris,

poussins, chatons, pandas, éléphanteaux, mais aussi

serpenteaux, alevins, rejetons d'hippocampes

aux tronches de pièces d'échec, petites tortues-luth

qui par milliers se carapatent vers l'océan, chacune

emportant dans la nuit, sur le dos, son étoile,

pour faire pièce au tournoiement des oiseaux

de malheur...

                          Un visage à l'espoir, le tien, au regard

tantôt bleu, tantôt gris-vert, un visage d'horizon

qui mêle ciel et mer à la tendresse d'une aurore

rose et ronde comme le soleil dont les joues

appellent les baisers bruyants comme des mouettes.

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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 12:07

             Départ


La rive s'éloigne à présent, emporte

ses villes blanches et riantes, plages et calanques

semées de nudités ensoleillées, de nageuses

scintillantes, ses promenades à l'ombre des palmes,

cigales, oiseaux chanteurs alentour des bories

de pierres sèches, son mazet où jadis au milieu

des vignes empourprées, solitaire, à l'automne,

tu griffonnais face à l'unique lucarne par laquelle

tombait un rai de soleil, étoilant d'une médaille

d'excellence la bouteille de rosé debout en sentinelle

comme la Tour Eiffel vue de l'esplanade du Trocadéro,

au centre de l'épaisse table jonchée de tes feuilles

mortes...

                   Aurons-nous aimé cette vie - nous l'aurons

aimée, oui, même violente, érotique, obscène, perfide,

blessante, dissolue, ivre comme une actrice en fin

de gloire et pour qui les lampes charitables des bars,

les hommages polis de quelques rares survivants ont

remplacé la houle du succès, les rampes à la chaleur

insoutenable.

                           Un cercle de lumières tamisées

aide l'illusion à se survivre encore un peu en créant,

au-delà, une obscurité qui permet d'ignorer, ou feindre

d'ignorer, la proximité de l'Autre Rive, ses grisailles

cimmériennes, ses noirs astres glacés, ses confins

polaires, ses anges inconscients de leur éternité...


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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 11:50
            Poème d'ambre

J'ai oublié le nom de cet arbre de St Domingue
que taraude un insecte, insupportablement,
et qui se venge en nappant d'un flot d'ambre
son agresseur ainsi momifié pour l'éternité.

Or la sève durcit, ternit, devient une roche ordinaire.
Mais le connaisseur sait qu'en polissant ces blocs,
on obtient, couleur d'or, un cristal fascinant au travers
duquel on aperçoit dans ses arachnéens détails,
comme une vieux brigantin captif d'une bouteille,
l'insecte compliqué qu'avait piégé la résine à l'instar
de cette lave qui figea la vie et les humains
                                                                       à Pompéï...

Curieuse activité que celle de braver le temps
en enrobant d'une transparence couleur de silence
l'exquise et naturelle cruauté du monde, et de polir
avec obstination le succin d'un sonnet, le chapelet
d'une ode où le regard lira, non sans étonnement,
filigranes immémoriaux, icônes de mots insonores,
quelques émotions pétrifiées d'époques disparues...
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6 décembre 2008 6 06 /12 /décembre /2008 13:23

 

Revoici donc l'hiver

et sa longue froidure...

Il gèle dans mes vers

comme dans la nature.


Ici fut la rivière

qui n'est que croûte dure :

il y a de la pierre

où ruisselait l'eau pure !


Toute chose se fige

ou se change en cristal

dans l'imminent vertige

d'un désastre fatal !


Ce changement afflige

l'âme sentimentale.

La saison qui l'exige

est vraiment trop brutale !


Adieu, souple phrasé

de ma strophe, et la grâce...

Mon vers est écrasé

sous le poids de la glace.


La vieille rime usée

revient à la surface :

Ma tête ankylosée

aussitôt s'en agace !


Oh, mes libres poèmes

en laisses et versets

dans le style que j'aime,

où êtes-vous passés ?


Le neige et le ciel blême

les ont-ils effacés

à jamais ? Les mots mêmes

me paraissent glacés...


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6 décembre 2008 6 06 /12 /décembre /2008 11:56

          Coup de foudre


Elle avait un bonnet d'hiver

Et un manteau de laine blanche

Tricoté des genoux aux manches !

Aussi curieux qu'il y paraisse,

Il en eut la tête à l'envers !

Par hasard on était dimanche,

Elle allait peut-être à la messe ?...

Elle avait un bonnet d'hiver

Et un manteau de laine blanche.

L'air froid avivait son teint rose

Et faisait luire ses yeux verts,

Il en eut la tête à l'envers,

Le coeur, et sans doute autre chose

Touchés d'une émotion profonde !

Elle avait un bonnet d'hiver

D'où s'échappaient des mèches blondes.

Sa bouche avait un rire clair :

Tout dans sa vie était ouvert :

Son tendre coeur entre autres choses...

Il en eut la tête à l'envers,

C'est ainsi qu'un amour est né

D'un bonnet blanc, d'un blanc bonnet

D'où s'échappaient des mèches blondes,

Par un froid dimanche d'hiver !

 


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30 novembre 2008 7 30 /11 /novembre /2008 20:46


La Pierre de Patience


Il y avait jadis, à l'abord des villages,

Une pierre debout sur laquelle on venait

Aiguiser les couteaux. Parfois on s'y donnait

Rendez-vous. D'autres fois, pour y passer sa rage


Contre quelqu'un, on la frappait à coups sauvages,

Avec un fouet ou un bâton. Je reconnais

Qu'un tel rôle aujourd'hui n'est pas sans étonner :

Le citoyen moderne a des rites moins sages.


On l'appelait alors « la pierre de patience... »

On s'y vengeait des aléas de l'existence,

Des frustrations, des injustices, des rancoeurs.


Cette pierre, passive, à souffrir toujours prête,

Me fait songer parfois au statut des poètes :

Ils sont là pour purger l'Homme de ses douleurs.





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29 novembre 2008 6 29 /11 /novembre /2008 19:11


                       Le rouge-gorge de décembre



Sans doute était-ce dans une autre vie - au vieux temps

du château mystérieux et de la Princesse endormie...


A poignées, quand approchait décembre, souviens-t'en,

autour de toi, autour de l'arbre vert, tu semais des étoiles...


Au loin, derrière les maisons qui s'effaçaient dans le brouillard,

cognait, comme réponse au glas de l'église fantomatique,


une hache obstinée. Le vent tourmentait dans l'âtre

un grillon rouge qui crissait et sifflait avec rage.


Par les fenêtres, le front appuyé au verre froid, tes yeux

se perdaient volontiers dans l'uniformité des neiges,


suivaient un temps quelque corneille sautillante qui

lançait un cri rauque et soudain s'envolait sur un toit.


Une chape de solitude s'étendait, immaculée, sur le proche

et sur le lointain, sans transition aucune entre terre et ciel.


Tu te disais que même le plus époumonnant de tes cris,

au sein de cet abîme ouaté n'aurait pas suscité d'écho.


Sans doute était-ce dans une autre vie – sur les murs

de ton ancienne chambre, tapissés de roses peintes,


la fièvre faisait grimacer des figures d'épouvante qui

tremblaient et tu sentais du fond de toi monter jusqu'à


ton cou l'étranglement d'une sorte de vertige démoniaque.

Dans la pièce à côté, tu entendais marcher ta mère,


et toutes les variétés de petits bruits, chaises remuées,

tiroirs, cendriers de cuivre, de quelqu'un qui fait le ménage.


Cela remettait un peu d'ordre dans ta solitude hallucinée.

De temps en temps, après avoir fini de cirer un meuble,


elle entrait, s'approchait du lit et venait sur mon front

poser une main fraîche comme une de ces exquises


toiles d'araignées pleines de rosée dans quoi, au détour

d'un sentier en forêt, donne notre visage à l'improviste.


Puis ayant murmuré mon pauvre enfant avec un sourire

compatissant, elle s'en retournait vaquer à ses occupations.


D'autre fois, quand j'allais mieux elle apportait un de ces

chocolats de Noël, emballé dans un rouge papier brillant,


en forme de coeur. Je le posais sur la table de nuit, où il

restait longtemps, ça me faisait une espèce de compagnie.


Sans doute était-ce dans une autre vie - au vieux temps

du château mystérieux et de la Princesse endormie...


Lorsque je pouvais me lever un peu et sortir au jardin,

emmitouflé comme une momie, j'allais directement voir si


le rouge-gorge avec lequel j'avait passé contrat d'amitié

avait laissé sa broderie d'étoiles dans la neige, près de


la haie de lauriers noirs sous laquelle il allait se cacher

lorsqu'une personne étrangère à notre tête à tête


s'avisait que je risquait de « prendre froid, ainsi, sans bouger. »

Puis sitôt que nous étions à nouveau seuls, prudemment


il laissait reparaître un bout de bec, un oeil oblique, et

rassuré, ressortait de sa cache avec son jabot fier


comme un petit soleil. Et chaque fois, toute neuve, l'illusion

me revenait que maladie, froidure et solitude étaient finies.


...C'était, dirais-je, dans une autre vie - au vieux temps

du château mystérieux et de la Princesse endormie.


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26 novembre 2008 3 26 /11 /novembre /2008 19:45

 


Ecoute Novembre qui sonne

pour personne

dans la nuit :

Une campane au vent d'automne

fait ce bruit.


Pourtant nul deuil, nulle victime,

pas de crime

ce matin !

Aucune annonce qui déprime

ne m'atteint :


On dirait qu'un soleil tranquille

sur la ville

s'est levé...

Qu'on n'a plus de sans-domiciles

à sauver...


L'aurore est comme la passante

innocente,

col fourré,

Qui gravit une rue en pente

cul serré !


L'air glacé se métamorphose

en lys rose

irisé

Quand, sur sa lèvre rouge, il pose

un baiser.


 

Viens donc, ma belle, ma charmante,

mon amante,

couvre-toi.

Là-bas nous attendent les sentes

et les bois.


Allons ! Ne fais pas de manières !

L'heure est claire.

Sors des draps !

Nous marcherons dans la lumière,

Tu verras !


Laisse-là blush et maquillage :

Ton visage

est très bien !

Pose ce miroir, ton image

me convient.


Tu auras dans ta chevelure

l'odeur pure

du vent froid,

qui colorera ta figure

de surcroît...


Tu n'as pas besoin d'autres charmes,

d'autres armes,

pour mon coeur,

hormis peut-être une ou deux larmes

de bonheur.


Allons, sortons parmi les vignes

dont les lignes

à foison

Pour nous y inciter désignent

l'horizon.


Les yeux, le long de la rivière,

entre pierres

et reflets,

nous irons jusqu'à la clairière

qui nous plaît.


Je te dirai, doux à entendre,

les vers tendres

d'un poème...

Tu me répondras, sans méandres,

que tu m'aimes.


 

Quand nous verrons sur la colline

que décline

ce beau jour,

approchera l'heure coquine

de l'amour.


Nous rentrerons dans nos pénates :

j'aurai hâte

d'on sait quoi !

Mais toi – de câliner la chatte,

l'oeil narquois !



 


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