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18 mars 2009 3 18 /03 /mars /2009 18:59



                 Les Barbares* sont venus


                     « Mais alors, qu’allons-nous devenir sans Barbares?
                   Ces gens-là, en un sens, c'était une solution... »

                                                                   (Constantin Cavafis.)


Des siècles ont passé : nous avions cessé

de les attendre, les féroces, les cruels, les mal-

dégrossis... Nous nous étions organisés, nous avions

rebâti nos lois et l'Etat. La vie chez nous était

devenue plus plaisante, les moeurs plus honnêtes,

plus douces, les arts plus subtils. Aux yeux du monde,

nous étions, injustement si l'on veut, installés

dans une existence à ce point confortable

que les peuples voisins se répétaient : « Heureux

comme l'est Dieu chez eux... » Sans doute ce bonheur,

en un siècle où régnaient sur le globe entier,

la misère, la famine quelquefois la plus extrême,

les guerres fratricides qui ruinaient des peuples

déjà indigents, sans doute ce bonheur semblait-il

indécent... Ou simplement le troublant reflet

de la richesse inconcevable que nous avions su

construire de nos mains (et souvent de celles

des autres, moins instruits, moins affûtés,

moins doués peut-être !) En tout cas, ils sont

venus, les Barbares, quand on ne les attendait

plus : ils ont déferlé par toutes les portes mal

gardées, par les fenêtres trop fragiles, ou encore

conviés à nos tables par la pitié qu'ils savent

si bien susciter aussi longtemps qu'ils se sentent

trop faibles. A la fin, submergés par leur violence,

leur cynisme enraciné dans des siècles d'une rude,

d'une impitoyable misère, nous avons compris

trop tard que, les Barbares, dans le fond, étaient

moins pour nous « une solution » que nous

n'étions, dans leurs rêves, une solution pour eux.


*Note : le terme "Barbare" désignait, chez les Grecs antiques, simplement ceux

qui n'étaient pas Grecs, sans jugement de valeur partculier.


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17 mars 2009 2 17 /03 /mars /2009 12:03


                                                   La prison


                                                                      à Joë Bousquet


Pour sortir de sa prison, pour s'évader,

Cet ancien détenu de longue peine

Raconte qu'il s'était mis à écrire

Des livres de fiction. Cet autre, infirme

Comme le fut Joë Bousquet, explique

La même chose avec de surcroît

Quelques accents mystiques. Et nous,

Les autres humains, leurs semblables,

Leurs frères, parce que nous marchons

Librement à travers le temps et l'espace,

Parce que murs et barreaux ne nous

Enferment pas, pouvons-nous prétendre

Que nous ne serions pas des prisonniers

- de l'espace-temps, de notre corps dont on

Ne sort peut-être qu'en mourant ; prisonniers

Du sens, prisonniers de nos amours, de notre

Destinée, de notre minuscule planète, de nos

Habitudes, que sais-je encore ? - et que,

Par conséquent, ce qu'on appelle « l'écriture »

Pourrait ne pas nous être indispensable ?




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17 mars 2009 2 17 /03 /mars /2009 11:39


                               Orgueilleuse jeunesse



Orgueilleuse jeunesse, avec tes longs cils,

Ta brillante chevelure et ton visage empreint

De certitudes, quand tu passes dans la rue, l'air

Détaché, tout en enregistrant, malgré

Tes prunelles fixées sur un vague horizon,

Les regards furtifs de tous ceux que tu croises,

Sais-tu bien que peu d'entre eux t'envient ?


Ils savent, eux, quels coups la vie, bientôt,

Va porter à tes certitudes, quelles blessures

Les griffes, les invisibles griffes du temps,

Vont infliger à tes joues lisses, à ton coeur

Encore intact, serein comme la nappe d'un étang !


Ils savent comment le vent des passions

Trouble ce beau miroir uni où telle

Une Belle au bois dormant, somnolait notre enfance

Les yeux clos sur son innocence...


Comment le vent des passions la brise

Et l'éparpille en milliers de facettes

De plus en plus incompatibles, à mesure

Que l'on avance en âge : on dirait

Qu'ont été mélangés des puzzles qui figurent

Différents personnages dont chacun suivrait

Un chemin progressivement divergent

De soi, en croyant avoir trouvé le raccourci

Grâce auquel il parviendrait avant les autres

A ce bonheur qui effacerait tout et qui nous laisserait,

Enfin réunifiés, dans ces derniers moments

Où il n'est plus question que de mourir.




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14 février 2009 6 14 /02 /février /2009 10:48


      Beaux oliviers d'argent


Passe l'ombre dans tes regards

comme un nuage sur la plaine...

Violettes , ornez les cascades !

Oiseaux, pataugez dans les flaques !


(Beaux oliviers d'argent, peignez,

peignez la brise aux cheveux transparents !)


(Du moins ce serait ça, un souvenir

de printemps disparu...) Allée

de roses, Vierge aux bras tendus

là-bas, au fond de la tonnelle...


(Beaux oliviers d'argent, peignez,

peignez la brise aux cheveux transparents !)


Là-bas, des grappes mûriront

à l'automne, envahies de grives

en joie et de loriots chantants...

(En attendant, vient le printemps !)


(Beaux oliviers d'argent, peignez,

peignez la brise aux cheveux transparents !)


Nous foulerons paisiblement

l'or des prairies, l'odeur des fleurs.

Les pins nous offriront un peu

de leur murmurante fraîcheur...


(Beaux oliviers d'argent, peignez,

peignez la brise aux cheveux transparents !)


Adossés à un tronc, les yeux

sondant le ciel où, en plein jour,

s'attarde une lune crayeuse,

nous écouterons les pinsons.


(Beaux oliviers d'argent, peignez,

peignez la brise aux cheveux transparents !)


Puis, nous évoquerons tous deux

la plus chatoyante facette

de notre simple amour : celui

que n'épuisent point les saisons...


(Beaux oliviers d'argent, peignez,

peignez la brise aux cheveux transparents !)


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12 février 2009 4 12 /02 /février /2009 18:21


                                    Elle


Que ses yeux soient des lacs profonds,

Ce n'est pas une nouveauté :

Quand nos détresses s'y défont,

On sent à quoi sert la beauté !


De même pour sa chevelure,

Ruissellement d'or ou d'ébène...

Tous les opiums de la nature

Y ensorcellent notre peine...


Chercherons-nous à la comprendre ?

Alors tout devient compliqué.

Tout à tour irritable ou tendre


pour des motifs inexpliqués,

qu'elle se fasse ombre ou lumière,

Elle conserve son mystère :


Même elle n'en a pas la clé.



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12 février 2009 4 12 /02 /février /2009 12:20


                   La « vie quotidienne »...


Seul. Les enfants partis avec leurs rires,

leurs insolences et leurs rêves. Les enfants

grandis – ayant quelque chose dans le regard

couleur de braise éteinte. Les enfants

qu'il est si difficile d'initier à une vie

promise à être, hélas, aussi dure que la nôtre...


Ils sont comme un bouquet de fleurs qui très vite

se fane. Les garçons innocents et doux, aux âmes

de héros de pacotille – mais si courageux

en rêve, si chevaleresques ! - se changent en

messieurs fourbes et agressifs, impitoyables

avec les femmes et surtout celles qui, par eux,

ont le malheur d'être aimées. Dure loi

du sexe et de la passion ! Quant aux fillettes

dont Malherbe à juste titre comparait

l'éclosion à celle des roses, elles passent

du délicat, du gracieux, du fragile, au charme

outrancier de la vamp qui n'a, pour tout pouvoir,

que le talent de manipuler chacun, plus ou moins,

grâce au battement de longs cils plus ou moins

magnétiques – à chacune ses armes ! -, aux fards

brutaux, aux sourires piégeurs et regards lourds

de promesses qui ne seront pas tenues : hélas !

Le paradis, un poète l'a dit, est celui des « vertes

amours enfantines..." Lorsque le ciel est bleu


et que l'on s'émerveille ensemble d'une coccinelle

qui dort dans un bouton d'or, lorsqu'on trouve

au creux d'un buisson le nid du rouge-gorge

et que l'on reste pétrifié pour que l'oiseau

qui couvait ne s'envole pas : il y a tant, alors,

de connivence entre le tout petit oeil noir,

la tête oblique, et la curiosité muette de l'amie

aux tresses claire ; ses grands yeux extasiés,

ses oreilles fines et roses, ourlées comme des

coquillages, et ce frison doré au long du cou...


On dirait, un instant, qu'on entend la musique

de l'éternité, qu'elle rythme ensemble notre coeur,

que l'astre, là-haut, qui veille au milieu de la

brillante vibration de ses quatre ailes, est une

manière d'archange, avec sa grande épée de feu,

posté au seuil du merveilleux jardin dont,

inconscients et neufs, nous n'avons pas encore

brisé l'oeuf transparent, subtil et irisé, ni le pur

babillage de source – ô sphère de douceur ! -

en échange des séductions obscènes, sauvages,

illusoires, désespérantes, de ce temps

qui finit irrémédiablement par nous laisser

seuls : et qu'on nomme « vie quotidienne ».


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10 février 2009 2 10 /02 /février /2009 18:14


                                 La Barrosa (Chiclana)


                                                                                                          Villa Maria del Mar,

                                                                                                                in memoriam.


Viens donc, Amour : le ciel est pur comme la mer.

Sortons ! Allons nous égarer au labyrinthe

Invisible du vent et laisser nos empreintes

Au sable incessamment rebattu par la mer.


Viens ! Lâche tes cheveux et prends ma main sans crainte.

Allons nous promener en bordure de mer,

Sur les rochers abrupts où explose la mer,

Vague après vague, en mémoire de nos étreintes...


Nous irons insouciants, détendus et heureux,

Le long de la falaise aux rochers dangereux,

Jusqu'à l'heure lunaire où décroît la marée.


Le soir empourprera ton visage et les eaux.

Dans le ciel, on verra passer de grands oiseaux

Et le soleil sombrer dans sa gloire nacrée.


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5 février 2009 4 05 /02 /février /2009 20:44

                            Opinion d'un grincheux


« Vous aimez les enfants, Monsieur ? C'est une erreur !

Les enfants sont pervers, malhonnêtes, tricheurs.

C'est ainsi que les a programmés la Nature :

Sans souci pour demain, ni conscience future


De ce qu'il adviendra de leurs rires moqueurs !

Ils ne pensent qu'à eux, brocardent les malheurs

Des gens qui ont le tort d'aimer leurs âmes dures.

Les garçons sont grossiers, les filles sont impures.


Ils n'ont que leur plaisir pour guide et pour tyran.

Ils ne sont pas gênés de rester ignorants.

Mentir et respirer sont pour eux même chose.


Plus tard, l'un se vendra pour obtenir sa dose ;

L'autre fera mourir de chagrin ses parents...

Car telle est leur façon de voir la vie en rose ! »




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3 février 2009 2 03 /02 /février /2009 11:09


                      Le premier février 2009


Surprise : il a neigé ce matin dans Paris !

On ne voit pas souvent blanche la cour du Louvre...

Les trottoirs sont glissants et la neige recouvre

chaque poubelle d'un bonnet de coton gris.


Sur le seuil d'une porte, un matou bien nourri,

le poil gonflé, attend patiemment qu'on lui ouvre.

A petits pas, comme en brodant, un moineau ouvre

D'étoiles la blancheur ; on dirait que sourit


Grosminet à l'affût de Titi qui le brave !

(Pour finir, il décide qu'il faut qu'il se lave

car l'oiselet ferait un trop maigre repas...)


Il a neigé ! Sur le tapis froid, je m'avance...

O, comme il nous ramène aux temps de notre enfance

le crissement poudreux des flocons sous nos pas !

 

 

 



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1 février 2009 7 01 /02 /février /2009 12:17


                          Transport en commun


A ma droite un homme coiffé d'un Stetson brun foncé

lit, de Maurice Genevoix, un roman dont la couverture

rouge est titrée « Lorelei » : « Britte a dû accrocher

son talon dans l'élan d'une fuite éperdue... » Je vais

devoir lire ce livre afin de savoir ce que cette femme,

que j'imagine aussitôt jeune et jolie, fuyait. L'avantage

des écrits est que leur monde échappe au temps !

Ils sont comme des bulles de savon, légères, dont

chacune recèle son décor, ses drames, ses amants,

à l'instar des tableaux fascinants de Jérôme Bosch :

tout n'y est que rêve et illusion, mais indéfiniment

accessible. O premières pages irisées, portes vers

l'Ailleurs, psychés pénétrables à volonté : « Un rêve,

décidément un rêve, dur et flou, insaisissable,

obsédant. - Entre, Gunther. » Qui est Gunther ?


C'est décidé. J'entrerai du pied droit dans la première

librairie venue et j'y réclamerai ce « Lorelei » qui me

renvoie au temps lointain où je me laissais envoûter

par les touchants poèmes de Guillaume Apollinaire...

O nos âmes anciennes ! Dans mes mains j'enserrais

tes poignets frêles ; et les tiennes vers mon visage

s'ouvraient comme des étoiles. L'automne errait

par la forêt. Avec la voix du vent, il insistait et insistait

jusqu'à ce que chaque arbre ait, cuivre rouge ou or,

consenti à verser son obole. Au-dessus de la brume,

un pivert acharné clouait on ne sait quoi. Nous avancions

entre les troncs silencieux comme en un cimetière.

Ta silhouette mince et pâle se détache à l'horizon laiteux

exactement comme elle était du temps où le chien noir,

en jappant, te courait derrière. Au miroir de l'étang

blanc apparaît toujours la même face déformante.

Une grande aile bleue y a sombré jadis et y verdit

au pied des roseaux noirs, parmi les débris et la vase.


On entend derrière un buisson gémir un très vieil ange,

à la bouche par sa chute fracassée. Au matin, un reste

de son sang brûle encore sur les crêtes, à l'endroit

où les neiges éternelles, avec les corps intacts

des alpinistes disparus, conservent nos jeunes années.

O tristesse des amours confrontées au souvenir

de leur fin ! O dans ton regard cette expression

d'enfant apeurée ! Je tenais tes poignets dans mes mains.

Elles s'ouvraient,

                        désespérées et vides,

                                                    comme des étoiles.

Sur la plage, la mer ramène la barque esquintée

du pêcheur disparu. La tempête a bouleversé

la ligne du rivage... Noirs ou blancs, des oiseaux

tous orientés le bec au vent, crient, crient leurs cris

criards, hochant la tête périodiquement, comme

des automates dont le désespoir, en cape

d'invisibilité viendrait en douce remonter la clef.


O tristesse des grands oiseaux quand le soleil

commence à décliner ! Odeur de bois brûlé.

Chuchotis des pas de la solitude qui s'éloigne,

la tête penchée, au long du littoral, cherchant

l'endroit précis au-delà duquel insensiblement

s'effacent la splendeur des choses, et nos souvenirs.




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