Voici que nos rêves s'en vont avec la lune décroissante
Ainsi qu'aux miroirs une enfilade
De salles-de-bains pures à poncer à repeindre
Avec leurs rideaux blancs brodés de crustacés
Et leurs robinetteries étincelantes
Evidemment dehors un immense soleil
Règne encore mais de plus en plus fainéant
Sa couronne de guingois avec des rayons par-dessus
La colline aussi désordonnés qu'un tas de paille
Je vous aimais mais je ne peux rester toujours
On a besoin de moi aussi de l'autre côté
J'entends encore couler des parfums et miroiter les eaux
Un écureuil au pied du pin pointe son museau
Petit pirate fourré qui cache partout son trésor
Comme un poète et ne le retrouve jamais
Plus haut que les pins il y a le pré du Lac
Le Château Neuf où les seules belles endormies
Sont au cimetière avec leur sang fier oublié dans l'herbe
Comme un couteau suisse tombé d'une poche
Leurs chevelures luisantes dont la mort
Fait des tignasses desséchées
J'entends la soeur qui va et vient sans cesse de pièce en pièce
Affairée et secrète comme une petite souris
Le bruit des plats remués dans la cuisine
Le neveu qui hurle au jardin des menaces à ses fantômes
Au milieu des tricycles et des bicyclettes abandonnées
La piscine au loin reflète un morceau de ciel
Où deux petits nuages s'en vont à tire-d'aile
En cachant qu'ils sont des anagrammes d'anges nus
Le matin encerclé d'arbres a des senteurs de jasmin
Les insectes sont attirés par ma tasse de thé
Bonjour la guêpe bonjour l'abeille voulez-vous aller dire
A l'oreille des pies que leurs jacassis m'assourdissent ?
Quand mes rêves s'en vont avec la lune décroissante
Et que le monde impitoyable m'a douché
De bonne heure avec sa réalité pleine de désamours
Je n'aime pas à être dérangé dans mes pensées
Dès le petit-déjeuner !