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20 octobre 2013 7 20 /10 /octobre /2013 08:09

 

Bribe de mer ionienne

.

 

Frisson du vent sur les vagues - de la lumière s'y réveille

ainsi le temps éveille à la vie la substance

sensible de l'être humain

J'entends encore ce vagir qui n'est autre en vérité

qu'un cri de mouette

déplorant qu'un nuage disparaisse à l'horizon

.

Ignorer l'avenir permet

de consentir aux aurores dorées

mais quand le voyage touche à sa fin

les couchants si dorés qu'ils paraissent

avec la pilule du soleil au-milieu de tout ce bleu

ont un goût d'acide prussique

.

Il te faudra bien l'avaler cependant

et tu n'auras pas même

le choix de l'heure !

 

 

.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Accès de mélancolie

 

Le braise de nos souvenirs

celle qui nous tient le cœur sur le gril

se change en cendre puis à notre insu s'éteint

ainsi que celle des barbecues du week-end

lorsque la fête campagnarde est finie

et que la nuit prépare un lundi de grisaille et de pluie

où la puanteur du métro remplacera l'odeur des fleurs

.

S'éteint le soleil

le beau soleil sans questions de notre jeunesse

qui tombant sur la prière des roses

inondait la statue brillante de la Vierge

aux mains jointes sur son secret

.

Bientôt ce sera la fin du vent

l'accalmie définitive qui ne balancera plus l'armoise

l'euphorbe ni la puéraire

Sur les sentiers des crêtes la petite chèvre Prakriti

qu'on appelait Krikri ne viendra plus semer

de son anus froncé les perles sombres des secondes

ni l'impalpable argent de ses tintinnabulles grelottantes

en nous fixant soudain

de son œil d'or fendu comme celui des poulpes

.

Pour finir il ne restera plus que le long et triste regard

de la Lune obligée à poursuivre en faisant semblant

d'être pétrifiée sa course éternelle

sans moi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Graal disparu

 

À en juger par la gloire des chanteurs

que répandent les ondes

 

cristalline ou éraillée rauque ou maniérée

la voix

 

touche davantage les passants des rues

que le contenu des paroles

 

Retour aux temps casqués des aèdes

et des guerriers

 

Ecrire des poèmes en silence aujourd'hui

revient à se taire

 

Du reste il n'est plus de place pour les vrais

voyants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans un puits de silence

 

Si le poème se mesure aux échos qu'il suscite

dans quelle chambre d'échos mortelle

dont rien ne filtre au-dehors

ceci est-il enfermé

et comme carbonisé par une nuit

qu'on pourrait dire inextinguible ?

.

Vaguement les draps froissés nous rappellent

que nous sommes humains, que nous avons dormi

sur cette blanche page qui ressemble à un brouillon

que nos paumes ont recroquevillée et jetée

avant qu'un remords ne nous fasse la déplier

afin que l'amour demeure lisible

au lieu de tomber dans l'oubli

.

L'avons-nous cherchée au fond du sommeil la lumineuse

arène de l'île verte où s'enchantaient nos corps fous

Vent frêle sur le visage ainsi qu'au sommet

du mont les herbes parfumées caressent aux joues

les nuages venus de la mer

Ah respirer encore l'oxygène des oliviers mêlé à l'iode

qui bleuit les eaux des vagues empanachées qui nous assiègent

Trouver le galet prasin qui servira de talisman à nos retours

et le sable roux comme fourrure de renard

où nous écrivions de l'orteil droit des aveux qu'emportait l'écume

.

Cela tout cela qui nous observe avec notre propre regard

comment pourrait-ce éveiller le moindre écho

en vérité dans le monde d'ici

auprès de gens dont on a violenté le goût

au point qu'ils ont perdu toute notion, toute vision du paradis ?

 

 

.

 

 

 

 

 

 

 

Nul ne peut savoir

 

¡ Fue sueño ayer ; mañana será tierra !

(Gongora)

 

Elle est donc revenue telle un brouillard matinal

qui enrobe dans nos regards mornes les arbres

au jardin, la pie qui regratte dans son aile droite

puis gauche puis déploie l'éventail de sa queue

une deux trois fois Près de la fenêtre un feuillage

de bambou découpe au ciel blanc la géographie

de la botte italienne Elle est donc revenue avec

les secondes lentes où s'engouffreront des heures

Avec son tam-tam aux tempes que l'ombre intense

éblouit et son gémissement qui appelle au silence

.

Elle arrive du fond du passé tel un minuscule

scarabée noir au bout de l'ancien chemin périmé

Voyez-la qui pousse devant elle un visage blême

et rond comme une pleine lune où tour à tour

s'inscrivent puis s'effacent les traits de tous ceux

que nous avons aimés alors qu'un halo de voix

grandit jusqu'à en devenir assourdissant, insup-

portable et qu'à la fin l'on se résigne à constater

qu'il ne reste plus que le poème pour museler

un temps les intangibles crocs de la douleur

qui d'avance t'apprend à mordre la poussière...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mnésis

 

Au hasard ouvert, ce livre où j'ai lu quelques phrases

Et soudain il y eut, silencieuses dans ma tête comme

échos revenus d'une invisible paroi, les inflexions

de voix d'un poète ami - disparu depuis ma jeunesse.

Ce fut soudain comme inspirer l'haleine embrasée

du feu de bois auquel on se réchauffait les mains,

par une nuit de campagne aux courbes enneigées...

.

Nos têtes acagnardées, ainsi que des pierres, à celles

de nos petites amies du moment, avec emphase nous

lisions nos poèmes, dont l'encre était parfois à peine

sèche, alors qu'autour de nous de noires solitudes

aux prunelles phosphorescentes rôdaient à la façon

de feux-follets parmi les marbres d'un cimetière.

.

J'ai revu le visage de l'ami au miroir de ma mémoire

et le comparant au mien en un éclair j'ai enfin su

ce qu'était réellement la froide cruauté du temps.

 

 

 

.

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