Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 04:17



Temps commun
.
Le temps s’en va, le temps s’en va, ma Dame…
Las, le temps non, mais nous, nous en allons !
Vers l’Autre Nuit tirant nos mornes âmes
Voici l’automne où sanglote un violon…
.
Les cieux trompeurs, leurs aubes merveilleuses,
Tout rejoindra les caduques saisons ;
Déjà s’éloigne au-dessus des yeuses
La brume d’or, qu’attire l’horizon.
.
Entends sonner au clocher fatidique
Le glas qui feint de quitter sa prison
En égrenant dans l’air mélancolique
Sept coups qui sont sept gouttes de poison !






.
Funérailles
.
Nous ne parlerons pas Qu’y aurait-il à dire de plus
Les amis la famille les connaissances Tout le monde était là
Certains avaient bien connu le défunt Pour d’autres il n’était
qu’une vague relation mais il fallait être là – Être vu là
Important de pouvoir dire qu’on était aux obsèques
d’un artiste célèbre On raconterait plus tard qu’on avait
été son ami et peu nombreux seraient ceux en mesure
d’y contredire Qui se soucie des fréquentations passées
d’un mort archiconnu d’une foule de soi-disant intimes
alors qu’en fait il était solitaire et ne voyait presque personne.


Épis glanés
.
N’essaie pas d’attiser les feux pâles du vent, ils ne sont que le halo du mystère natal.
.
Préférer l’hirondelle bifide, qui revient toujours à son nid maçonné après des heures passées à sillonner l’infini bleu en gobant l’invisible, – sans mépriser le roitelet à la houppe d’Iroquois.
.
Jusqu’à ce que le jour rougisse la fenêtre, raturer un poème qui te démange le regard, dans la pénombre inspiratrice d’une langue approximative.
.
Que tu veuilles aimer n’implique pas d’être payé de retour, pas davantage que la beauté que tu prêtes aux jeux de la lumière ne saurait apprivoiser les nuages qu’ils colorent et les enchaîner à ta présence !
.
La vérité est carrée comme un trèfle à quatre feuilles, la rencontrer est un hasard, et quand on l’a trouvée, il faut la serrer entre les pages d’un livre où elle se fanera sans perdre ses contours.
.
Chez moi souvent le simple paraît compliqué, ce qui me pousse à déplorer de n’avoir pas le don de la formule.
.
Que celui qui n’a jamais rêvé d’éternité jette au vieillard que je suis la première pierre !


.

Témoignage
.
Comment jalouser ceux qui déjà me succèdent sur la boule terrestre ? L’univers pour moi n’en pouvait déployer davantage, pas plus qu’un paon ne peut mieux faire que nous éblouir de sa roue irisée.
.
Achever son temps dans la grâce, voilà le meilleur que l’on puisse souhaiter à un être humain. Nombreux sont ceux qui n’auront pas même soupçonné ce de quoi je parle.
.
Il faut s’attacher à tout et se déprendre de tout. C’est alors seulement que resplendit la parole d’argent – et que l’on comprend sans le convoiter l’éclat de l’or.
.
J’aurai vécu dans une intense clarté intérieure, dont je n’aurai que rarement réussi à partager le rayonnement, – et que la disparition de mon moi inidentifiable ne pourra éteindre.



.

Du troisième pas
.
Ce n’est pas un secret que chaque lever du jour, avec sa fraĉheur parfumée au jasmin, ses tourterelles roucoulantes ou rageuses, sa cloche timide, son écureuil qui casse des coques dans l’amandier – et l’énumération reste en suspens ! -, pourrait être le dernier.
.
Il est étrange que cela donne tant de gloire au paysage, devant moi, sitôt que la lumière frise le sommet des pins au-delà desquels, pattes jointes dans le prolongement du corps, l’aile nonchalante, disparaît une cigogne solitaire.
.
La splendeur du monde que tes yeux ont édifié avec la complicité des mots, il ne t’en échappe pas le moindre détail, pas le moindre fumet de sacrifice, pas la moindre danse d’insecte au centre du ciel, alors même que tu te dois l’aveu selon lequel la quitter aujourd’hui t’indiffère.



À l’heure torpide
.
Un vent coulis dont les accélérations passagères font dériver le jet d’argent limpide du lavoir, le signe amical et tacite d’un passant, notre ombre sur les marches de la venelle qui grimpe vers le château : voilà qui suffit à enchanter nos pas dénués de but précis.
.
En décembre, nous éclairerons les journées lugubres avec nos souvenirs de cette écrasante lumière à quoi rien n’échappe, hormi les alcôves aux persiennes rabattues sur leurs occupants sombres comme des chauves-souris. Une bouteille noire sur la table justifie leur somnolence.
.
Entre les façades transies de chaleur les échos d’une flûte excentrique parfois rameuteront deux ou trois nuages curieux, fourvoyés dans un azur trop vaste et trop parfait pour eux, éclipses de fraîcheur fugace aux tuiles romaines, où l’air est vibrant de mirages.
.
Ainsi par l’accident d’un appel insolite, sur l’épair du papier assombri se hasarde mon poème immaculé dont les fulgurances et les hantises, les remords et les effrois, les douleurs et les amours, recueillis aux confins de la planète, ne suffiront pas à tempérer la brûlure impitoyable du Présent.

Partager cet article
Repost0

commentaires