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16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 09:57

Le poème résulte d’une action physique de la pensée indissociée du corps, action plus rapide que la seule pensée : un joueur de tennis, s’il réfléchit à ne pas rater son service au moment de servir, son coup de raquette finira dans le filet ! Ainsi le poème : si celui qui va parler hésite au moment du dire, le poème va trébucher. Et les ravaudages ultérieurs du texte, s’ils peuvent donner le sentiment de rattraper un dire raté, n’ôteront pas au lecteur du poème le sentiment obscur que quelque chose a été manqué. Cela suppose, avant que spontanément parle le cœur, un long entraînement ingrat, secret, jusqu’à ce moment où le corps tout entier de l’homme est dans cette totale confiance, qu’on appelle « auctoritas » en latin, qui permet de déclencher le dire comme Zeus déclenchait sa foudre. Alors la parole poétique jaillit comme une source subite, et dit, sans que le corps disant ait l’impression de contrôler ce dire : de sorte que la pensée réfléchie, relisant le poème, en apprend avec surprise des choses ignorées qu’elle ne pensait pas atteindre ni connaître un jour. Et que le plus souvent les corrections ultérieures – excepté ce qu’on peut juger, chacun selon ses critères, comme d’énormes bourdes de langage, trop nuisibles à la réception du poème – sont affaiblissantes, et détruisent la force magique de l’expression, comme quand le service réussi d’un champion a été filmé et qu’on le repasse au ralenti en critiquant la position de son coude ou de sa raquette.

Quand à savoir si le poème est réussi : on le sait quand, allant plus vite que la pensée, il en passe le filet en un éclair, frappe le cœur et y déclenche l’émotion.

 

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commentaires

S
<br /> C'est l'en-thou-siasme de Platon !<br /> <br /> <br />
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