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2 décembre 2013 1 02 /12 /décembre /2013 12:31



Allégorie
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Il jette le filet transparent sur l'instabilité
bleue de la houle qui balance sa barque
Il attend quelques minutes puis le retire
Par-dessus le plat bord apparaît une poche
où tentent de se débattre quelques créatures
métalliques Il les trie dans la flaque du fond,
rend à la mer ceux qui ne conviennent pas
laissant les autres gigoter autour de ses bottes.
L'éventail de l'aube fait place au plein jour.
Assis à la poupe du canot il guide le moteur
ronflant vers le port Une poignée de clients
sur le quai l'attendent cabas au coude Il sait
d'avance que tous ses poissons ruisselants
emmaillotés d'éclairs vont trouver preneur
Dans la région il est le dernier pêcheur.
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Enfantillages et billevesées
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Quel dommage qu'il n'existe d'anges qu'en songe
lorsque soudain le poème annonce avec la voix silencieuse
d'un souffle emprunté à l'être caché que nous sommes
et soudain toute chose brille comme un cuivre
qu'aidé d'un citron l'on vient fraîchement d'astiquer
.
Sans haine je les imagine ainsi que des nuanges
blancs comme lys indéfinis au plus près du soleil
chérubins potelés chargés d'exécuter la musique des sphères
tels que les a peints le subtil pinceau de Carpaccio
.
Là-haut le jour ne brûle ni ne cloque Il cautérise
les plaies du cœur Les cicatrise au crépuscule
avec le mercurochrome du couchant
Billevesées
que tout cela poète idiot ! Tu devrais cesser de te
raconter de tels enfantillages en un siècle sans illusions
où la poésie exige en mots le plus impitoyable réalisme.


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Révolte étouffée

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À qui la faute si ne s'éteint pas
cette braise au fond de toi semblable au lumignon
rouge qui perdure dans les cryptes
ou les chapelles de vallons perdus
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Tu devrais renoncer à cette ridicule
révolte qui ne dit jamais son nom
et refuse enfouie dans les tréfonds de ta conscience
de se manifester
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Que sert d'avoir honte des humains
dont tu es D'avoir honte des politiciens
des hiérarques de tous poils Des mauvais maîtres
et des mauvais disciples
.
Bref de ce maigre univers en lequel
même le cercle des meilleurs amis fomente
ses stupides cruautés et ses pièges imbéciles
comme si toi pauvre naïf aux airs d'ahuri

tu pouvais être une menace pour quiconque !


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Galets-nuages

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D'au-delà de la mer aujourd'hui les corbeaux de la lumière
m'ont apporté des nouvelles de l'Île d'émeraude
Le ciel bleu pâle de novembre bleuit leurs plumes noires
alors qu'en croisant les pattes ils arpentent l'arête
de l'immeuble voisin À présent voici qu'entre eux
ils complotent en latin sur l'avenir Je n'y comprends
rien sinon de temps en temps le mot «Cras-cras-cras...»
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Je revois les falaises blanches aux airs de millefeuilles
Les passes écumantes aux courants bleu-marine
tombeaux de frégates sémillantes et d'antiques galères
Les récifs gris-rose où se dressent les hauts-reliefs abstraits
du hasard près des lames qui s'acharnent à les repolir
Car comme on sait le hasard fait bien les choses
.
Qu'ils sont émouvants les mondes lointains Les mondes
auxquels l'espace et le temps offre un lustre indéfinissable
Avec leurs langages sonores qu'on ne comprends pas toujours
Avec leurs rêves blancs tels des monastères ou des églises
Avec leurs rues étroites où passent de jeunes couples enlacés
parmi lesquels en scrutant bien l'écran de ma mémoire
.
Je nous aperçois jeunes et gais main dans la main
entre les façades basses dont les pampres encadrent
des portes peintes où des femmes dans la pénombre
discutent en agitant des casseroles à bout de bras
Je nous aperçois dévalant les escaliers blanchis à la chaux
et les pavés luisants pareils à ces galets clairs que nous avons
.
gardés en souvenir et qui près des livres jonchent nos étagères
avec la simple géométrie de nuages de bonheurs condensés.


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Muse endormie
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Écoutant la veilleuse dorée, le mutisme de la vigne
de métal qui l'enlace et ton silence aux paupières baissées
je m'émeus de la proche tiédeur de ton corps
de son souffle timide autant que de la courbe du cou
en laquelle ton entière nudité s'est réfugiée
.
La grâce de l'hirondelle alliée à la diserte alouette
explore l'aube en train de souffler ses millions d'aigrettes
de vertige qui argentent le ciel où mes yeux se perdent
tandis qu'elles diamants retombent sur feuilles et fleurs
des collines aux joues douces et les plaines mal rasées
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Paisible auprès de toi j'observe le pourpre moutonnement
du petit-jour par la baie vitrée à laquelle s'intéressent
les bambous penchés et leurs merles hyperactifs
Un premier avion trace un trait de craie rose là-haut
Réveille-toi ma belle amante Ici la vie s'impatiente!


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Illusion sans retour
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Voyant les tourelles du château par-dessus
les frondaisons agiter à leur pointe d'ensorcelants
oriflammes, je suis parti à travers la forêt séculaire
si buissonneuse et dense que les ronces derrière-moi
se refermaient instantanément sur l'ordre des branches
qui se détendaient comme des ressorts pour me signifier
qu'aucun retour sur mes pas ne serait admis
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Là-bas j'imaginais la Belle au bois dormant
sur une couche étendue dans un halo couleur d'éternité
et dans ses rêves imaginant qu'on la réveille d'un baiser
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Du vent soufflait là-haut remorqué par des locomotives
dissimulées sous des vapeurs d'une opaque blancheur
qui par-dessus les plus hauts sapins l'entraînaient
vers le passé dont on devinait à l'horizon les murailles bleutées
.
J'ai marché sans aucun sentier qui me guide
sans étoile presque oublié de tous
à travers sables-mouvant marais rocailles moussues
inconscient de ce que le but que j'entrevoyais
de temps en temps par l'échancrure entre les cimes vertes
tantôt nues tantôt enneigées tantôt encoconnées
par les chenilles roses et grouillantes de lumière de l'aurore
jamais ne semblait grandir ni s'éloigner
J'ai marché des années jusqu'à sentir mes jambes durcir
et se paralyser à l'instar du bois des troncs environnants
juste comme enfin j'acceptais que le but de ma quête
reculât exactement à proportion de mon avance.

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Livres reçus
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Les livres de poèmes s'empilent
À peine ai-je le temps d'approfondir un peu
ceux d'amis dont j'admire le talent
Les livres d'inconnus sont émouvants
souvent accompagnés d'un petit mot d'hommages
Contraint de les parcourir d'abord rapidement
j'y découvre des pages phosphorescentes d'espoir
.
Je m'attelle à tenter d'en dire quelque chose,
Froisse le feuillet et recommence
...Si difficile lorsqu'on n'est pas intelligent
de synthétiser le monde des autres
sur les seuls indices d'une suite de poèmes
qui se débattent manifestement avec l'Obscur !


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«Poésie en archipel»
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Lorsque les peines sont trop lourdes
lorsque le ciel de lait tourne au linceul
lorsque dans la fente de l'horizon une main
de lumière poste les nuages illisibles
tandis que la mer étale
sur ses mille genoux bleus nous ouvre l'espace
où déployé le désespoir
tourne en cercles
ainsi qu'un pygargue
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Prends ton voilier léger filigrane
de rêve ornant l'épair de la réalité
et le cœur gros mais vaillant
appareille pour te consoler
vers ton archipel
de poèmes heureux
en songeant à tous ceux
pour qui c'est impossible.


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Absolu démasqué ?
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Se pourrait-il qu'en raison de sa logique, la technologie soit impérialiste, envahissante, et dangereuse parce qu'elle altère at gauchit subtilement les réflexes et la mentalité des êtres humains, en direction d'un fascisme naturel, je veux dire qui est dans la nature même du fonctionnement technologique foncièrement aristotélicien – du tiers exclu. Quel trouble alors jette dans ce fonctionnement et raisonnement, la physique quantique. En effet, rien n'explique vraiment les quantas de Planck, pas davantage que le nombre Pi, par exemple. Comme si derrière un univers des causes et du relatif, se dissimulait un impensable absolu.








Jours dérobés
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Peu de choses à imaginer, pour que l'on assiste à la surrection de ton fragile univers. L'adret semé de pins parasols sur la couronne desquels s'attarde parfois mollement un nuage, dont le ciel d'été n'a rien à craindre. Au-dessus des brisants enluminés d'une fleur d'écume, la tour d'un phare mouline l'invisible fil de la nuit comme un pêcheur sur la jetée - ou comme nos grands-mères tiraient le fil d'un vieux pull-over bleu-marine pour en récupérer la laine -, jusqu'à ramener l'aube rétive qui rue en argentant les vagues.
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Étranges images qui se déclinent à la façon des feuilles compulsées par la brise : elle vibrent tour à tour. Les chants d'oiseaux se tressent à leur murmure froissé pour de secrets caducées. Ce sont voix qui évoquent des gens qu'on a pu connaître, mais trop fugaces identifier quiconque. Un goût de grappes alcoolisées pour enivrer les grives. Un étonnement de se trouver nez à museau, entre deux rangées de vigne, avec une biche au long regard étoilé. Éclairs incertains. S'ils étaient la mémoire d'une accalmie, leur violet ne surprendrait pas.
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Le port endormi dans les voiles d'un trois-mâts grec... Phrase lue dans quelque livre. Un instant de colère, de n'en pas retrouver dans ta tête l'auteur. Comment peut-on ainsi être hanté d'images encryptées dans des mots ? Elle trahissent une violente impuissance. Le couvercle du volcan saute et une pluie de pierres ponces incandescentes décrit des paraboles dans le ciel intérieur. À peine refroidies, voici le littoral jonché de galets d'ambre gris qui embaume. Des anges nus sous leurs tuniques blanches arpentent le bord, ils les collectionnent.
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Dans leurs paumes immatérielles, on voit les pierres s'épanouir comme des fleurs. Qui se mettent à sonner comme des cloches. Puis s'élèvent vers le ciel, soudain multiples bulles irisées, tandis que la lune est descendue visiter le potager, écartant les feuilles des choux-fleurs pour observer leurs blancs visages et vérifier qu'ils lui ressemblent. Au point du jour, dans la lumière rasante qui allonge les hautes herbes, on verra voleter en veste noire et plastron blanc la pie qui sait tout, et qui du bec prépare dans un chêne le nid radieux du soleil.



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Phrases modérément drôles

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Quelle sensualité dans la pierre, quand elle résiste à la main ! Quand l'éphémère rencontre ce qui dure. Sensation de sculpteur.
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Il aurait voulu être un intellectuel. Peut-être un philosophe. Les mots lui ont façonné une pensée qui l'a conduit ailleurs.
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Acéré, et pourtant navré par le malheur quotidien des hommes. Se peut-il que compassion et dévouement soient l'athanor qui opère la mutation de la faiblesse en force ?
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Qu'il est plaisant, ce bateau blanc qui danse dans la crique prêt à mettre les voiles. Il est la synecdoque de l'univers.
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Ton poème, l'étoile minérale dont le reflet s'agite et brûle au fond de l'eau pour faire semblant d'être une étoile de mer.
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Ton monde n'est-il pas trop beau pour être vrai ?
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Qui n'a pas vu la rage des tempêtes, avec leurs vagues hautes comme des immeubles, ou le ruissellement embrasé d'une éruption volcanique, ignore tout des dieux.
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Le soleil dans l'azur est le dauphin du ciel. Il appelle avec des ultra-sons. Sa fidélité est immuable. Ami de l'olivier, il en suscite l'huile dorée. Il sort puis replonge dans l'immensité, seul le regard peut l'approcher – de loin.
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Tous rêvent de composer le petit livre que chacun aura envie de conserver en permanence dans sa poche. Seuls quelques meneurs d'hommes, apôtres ou prophètes, y sont plus ou moins parvenus. Neuf fois sur dix, le résultat est un désastre.
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Jusqu'à quel point la pensée logique en laquelle s'opiniâtre l'être humain le conduit-elle à s'autodétruire ?
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Cette porosité en toi, par la corrosion des années, tu la colmates avec des couches de poèmes. Il s'agit d'asphyxier grâce aux vers d'aujourd'hui le taraudement des vers qui t'attendent.






Réajustement
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On ne sait vraiment qui l'on est que lorsque, après avoir réalisé ce qu'on espérait le plus intensément, on a découvert le si peu que c'était. Le masque de l'espoir ainsi tombé, il ne reste de nous que ce que nous sommes.









Pour une Vanité
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Torréfier les mots pour qu'ils dégagent leur arôme
grain après grain à mi-chemin entre chapelet et café.
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Animaux, arbres. Cheval, chèvre, vache, cochon, chat,
chien, poules, brebis, chêne, frêne, acacia, amandier,
nèflier, pin, olivier, pommier, prunier, syllabes, syllabes !
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Entre deux jeunes bouleaux ou deux peupliers frissonnants
tendre un hamac imaginaire et dormir dans le vent.
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À force de faire signe à la nuit à grands renforts de soupir
ton âme viendra bien cueillir ton âme parmi les étoiles.


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Mot-clé
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On est toujours surpris, malgré l'habitude, de découvrir sous le mot-clé « poésie » les plus banales et usées, voire navrantes, fantaisies sur le Net. Comme les humains, dépourvus de culture à propos de cela même qui théoriquement les intéresse, sont capables sans vergogne, avec une naïveté touchante, de réinventer l'eau chaude ou le fil à couper le beurre, convaincus qu'ils sont les premiers des milliards d'humains de l'histoire passée et contemporaine à y avoir songé. Pourtant Lautréamont disait que la poésie est à faire par tous et non par un !










Prix Goncourt 2013
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Un lieu lumineux – tel est l'endroit où réside l'éclair durable
de ton poème ! Comme s'il logeait au cœur d'une source
en laquelle tour à tour le soleil levant puis le soleil couchant
viennent tremper leurs doigts en hommage à Homère...
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Mais ce n'est pas une source tranquille : on y entends souvent
des cris de révolte alors que les oiseaux viennent piquer du bec
leur reflet rageur, tout en racontant les injustices et les horreurs
qu'ils ont vues au cours leurs séjours aux quatre coins du monde.
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Pendant ce temps, à ma grande joie, le prix Goncourt est décerné
au type qui a fait un roman pour raconter les combines de deux
joyeux drilles qui montent une arnaque au monuments aux morts
J'ai vu l'air triste du gars à la télé. Oublié son nom. On le redira.
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Il n'a pas fini de répéter qu'il est heureux. Sa femme plus encore.
Le gros lot. Elle sait maintenant que son mec n'était pas un louzère !


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Le monde à l'envers !
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Si tu es entré dans un monde plus pur que celui d'ici
c'est en laissant derrière-toi celui que tu étais
naguère encore comme on pose un habit démodé
En ce monde-là n'entre pas mon ombre Le vent
s'y change en cristal qui - tel un insecte dans une aurore
d'ambre fossile y conserve le détail de ses antennes
pattes ailes aux membranes fines comme des cheveux -
emprisonne en un moment parfait aussi bien nos
rêves nos émotions nos souvenirs tout ce qui bouge
encore vaguement derrière nous en gesticulant
comme un hanneton à l'agonie que sa chute d'une
feuille a laissé sur le dos dans la poussière les pattes
en l'air incapable de se retourner ni de reprendre
son vol vers l'avenir dont l'azur occupe insolemment
toutes les facettes de ses yeux où le monde est inversé.



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commentaires

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Carpaccio anges musiciens<br /> https://www.google.fr/search?q=Carpaccio+anges+musiciens&oq=Carpaccio+anges+musiciens&aqs=chrome..69i57.7239j0j8&sourceid=chrome&espv=2&es_sm=141&ie=UTF-8
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X
Pourquoi ? Dans ma tête Carpaccio est un peintre plus profond que La Caravage, que je ne méprise pas du tout, par ailleurs, mais rien du Caravage n'égale à mon sens la vie et la vérité de "L'homme<br /> au bonnet rouge" de Carpaccio (par exemple). C'est une peinture plus loyale, plus sincère, sans trucs, sans artifices pour faire beau... Mais ce n'est que mon point de vue.
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P
Bonjour,<br /> j'aime bien votre poésie. Dans un de vos poèmes vous avez écrit : Carpaccio. Ce ne serait pas par hasard : Caravaggio?<br /> <br /> Au plaisir de vous lire<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Pierre Scanzano
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