33. Nocturne de Jésus
Minuit propice aux visions
C'est l'heure où l'odeur de santal qui brûle
Ouvre au fond du tunnel de l'imagination
Cette porte par où entrent en robes de laine
Péruvienne et sortent constamment
Avec des carrés de lin brodé et des calices d'or
Entre les mains, des Anges colorés
Chatoyants dans l'immense clarté d'un cierge de Pâques
Un océan de lumière se devine
Qui donne aux meubles de mon sommeil un air
Si vrai, à leur éclat ciré une évidence
Si troublante qu'il n'en faudrait pas beaucoup pour que je croie
A la réalité de l'Autre-Monde... Au réconfortant
Au-Delà qu'on a déployé pour mon âme d'enfant
Comme on tend un filet sous l'apprenti-trapéziste
Ce Paradis dont un nommé Jésus imagina de nous faire cadeau
Pour donner de l'espoir aux hommes
A tout prix, fût-ce en y laissant la vie !
Lui aura connu la solitude mortelle des poètes
Ce désert auquel on entreprend de mettre fin en attestant
Qu'existent l'Invisible et l'Inouï
Sachant que les humains sont davantage terrifiés par tout ce qui
N'existe pas
Que par les menaces quotidiennes de leur monde
Il a voulu changer en Amour le Néant
Pour métamorphoser l'absurde horreur de nos vies
En merveilleux Jardin Futur où, sous les palmes, souriants,
Nous accueilleraient nos aïeux.