31. Nocturne du soleil disparu
Il se fait tard
La tasse est encore à-demi pleine
L'ami n'a pas bu son café
Il est parti depuis longtemps à ses affaires
Fatigué de mon âme compliquée
Nous avons parlé des temps anciens
C'est un homme plein de force et capable d'être joyeux
Moi non
Comment être léger et gai lorsqu'on a passé la journée
À évoquer l'aura d'ombre qu'a projetée
Sur nos vies un grand soleil disparu
Un moucheron qui se débat dans ce café
Noir comme du goudron
Voilà ce que tu es ! Voilà
Ce à quoi tu ressembles tapi au fond de ta nuit
À tourner et retourner rouge et sans issue
Tel un astre crépusculaire l'oeuf de ta mémoire
Qui n'éclora jamais plus
Faiblement luisent les meubles et plus loin
Le bras de bronze à la main ouverte
De l'Astragalizonte
Elle vient de jeter les osselets
Qui sont là, quelque part, invisibles dans la pénombre
A la manière de la mort
Tu scrutes l'espace opaque de la chambre
Rongé par d'impalpables fourmis noires
Tout ce qui semblait dans le jour avoir de rassurantes limites
Les perd aux frontières du sommeil
Où le Temps prêt à tout engloutir bâille en ouvrant
Une gueule de poisson mort
Rejeté par la vague sur le littoral
D'un pays dont l'on t'a pour toujours exilé.