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26 décembre 2007 3 26 /12 /décembre /2007 20:45

                             En mémoire du Désert


Du désert l'image me revient – gorges altières,

caillouteuses, austères, où défilent les spectres

de milliers de preux aux casques damasquinés,

empointés d'un croissant de lune. Superbes

sur leurs chevaux noirs à la robe lustrée,


ils scintillent d'un sombre éclat qui miroite en

des nappes improbables d'eaux frissonnantes.

Chaleur et gel à pierres fendre. Ici règne la

solitude du dieu. Les draperies immenses qui

empourprent le matin, les cieux glorieux de


couleurs et silence inouïs, les orgues cristallines

des grains de silice qui dévalent sous le vent

l'autre versant de la dune ; le foyer noirci

où brillent au matin, parmi l'encor rougeoyante

cendre, une ou deux flaques de verre... Ici,


l'atmosphère de l'aube est si transparente

qu'on peut, comme derrière un vitrail, apercevoiir

le mystère derrière la lumière. Aux falaises

la pierre est déjà couturée de signes : à celui

qui passe, l'effort de leur donner un sens. Et,


quand la nuit, en son caftan d'étoiles grelottantes,

descend les marches de l'ombre et du froid,

en regardant le ciel, on reçoit - comme l'éclair

d'un poignard qui frapperait de nulle part -

l'absurde conviction que l'âme est éternelle...






                  Grandir


Est-il vraiment passé le temps

du plaisir de vivre, de l'insouciance,

des grands rires dans la prairie

au milieu des amis, le dimanche,

lors de ces pique-niques où les filles

ont du rose aux joues et des yeux

rendus obliques par la tentation. Le temps

où par des soirs d'un bleu serein et sans

menaces, on regardait s'allonger les ombres

régulières de la haie de peupliers

en écoutant un rossignol caché comme

une feuille à contre-ciel. Grandir,

c'est gober ce temps-là, avec les illusions

de paradis que faisait naître un frisottis

doré sur une nuque, près d'une oreille

roulée comme un Tanagra : «appâts»

(selon la galante expression de jadis)

qui, ainsi que ces papiers étoilés

de Noël, enveloppent en guise

de friandise l'écrasant fardeau

de la réalité, pareille à une pleine

lune à la porte d'un château écroulé.

 



 


                                         Xavier Bordes

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commentaires

J
Les textes sont vivants, les mots pleins de couleur, j'ai aimé leur lesture, j'aurais privilégier les rimes, mais à chacun son style..amitié J.S
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