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17 avril 2016 7 17 /04 /avril /2016 18:21

 

Luminaires cosmiques
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En jetant des boules de neige contre la bobine d'un bonhomme au nez carotte, avec boutons pour les yeux, galurin noir et foulard de vieux chiffon,
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je me demandais qui avait lancé les étoiles à la face du dieu de la nuit : parfois de telles idées, farfelues, nous viennent, on ne sait d’où…)
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Aiguës, leurs épines de lumière, avec les mélopées des nostalgies antérieures, dardent au coeur telles des bogues d’oursins ou de châtaignes aux doigts,
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C’est pour nous apprendre nos quatre malheureuses vérités, à nous qui nous piquons d’écrire alors qu'on ne cueille le poétique fugace que par la voix !
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Rencontre manquée
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Je t’ai porté ma vie, saignante encore et frémissante, tandis que je dévalais le chemin de pierres. Ni toi ni personne n’a tourné les yeux vers cette chose informe et palpitante.
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Les ondes en vibraient à la façon d’un oiseau venu de très loin qui s’écrase, épuisé de sa migration, sur le pavé que rien n’attendrit. Et nul passant pour s’étonner de ses exotiques couleurs.
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Le soleil faisait flèche de tout rayon et feu de tout nuage, pour tes yeux verts où la mer venait puiser sa conscience de l’infini, qu’elle récompensait par des brassées de lys et des rafales d’azur.
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J’ai repris au long de la plage la marche régulière et taciturne qui me sert de métronome pour les bouquets d’émotions comptées qu’une poignée d’ans, usés comme galets, me réserve encore.
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Traversée de la psyché
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Qui es-tu – toi qui sans rien cacher progresses dans les profondeurs de ton miroir en t’éloignant de toi ?
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Tout au fond, les mille pièces du puzzle des vagues s’efforcent inlassablement de coïncider, alors qu’un amas de trapèzes et de triangles figés feint d’être une cordillière.
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À bien inspecter les premiers plans, violettes et giroflées mêlent des parfums inoubliés, qui chargent nos pensées d’ineffable nostalgie.
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Aimé de fées aux clairs visages de brume, sur la géométrie de l’autre étendue, tu poses un talon précautionneux comme s’il s’agissait d’un mince cristal de glace.
En rêvant d’un jour d’été
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La vague qui réverbère un bougeant soleil contre le sombre bois verni lorsque l'on brasse, surplombé par l'étrave d'un beau ketch aux voiles faseyantes, une mer matinale qu'on dirait... d'huile d'olive : ô joie des réminiscences de l'été !
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La brise a le souffle court, et ces trois gros nuages floconneux sont les sourcils et la barbe du Père Azur, qui de la stratosphère lorgne ces troupeaux de morses et de phoques pris d’une irrésistible paresse : la foule serrée des plages !
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Celui qui évolue dans l’eau, quittant le large des yeux, se retourne et souffle un instant face au spectacle lointain, bleu pastel, des montagnes striées de vallons encaissés où des pêcheurs à la mouche s’avancent sur les moraines des rivières.
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Dans l’eau glissant, l’on se sent souple comme truite argentée, on se souvient du poisson qui se débat entre nos paumes, et gluant – plouf ! – se fond dans l’infusion des reflets verts de sa gouille préférée, pour filer sous une pierre…
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Plus tard, ruisselants des diamants de l’eau, les uns et les autres émergent de la nappe sur laquelle balancent lentement barques et mâts, avancent sur le littoral en laissant des empreintes brunes d’humidité, et s’affalent sur leur serviette.
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Là chacun va rôtir à son aise, jusqu’au moment où la fraîcheur attire les bipèdes rougis sous les pins et les acacias. Pendant ce temps, en forêt, au bord des torrents escarpés des Alpilles les pêcheurs croquent un sandwich, attentifs aux gobages.
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Recensement
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Un galet, une statuette d’ébène, un minuscule vase grec noir et rouge, l’astragalizonte avec sa chlamide d’or qui dévoile l’esquisse d’un téton adolescent, le réveil à 15 heures 25 dont clique l’aiguille des minutes, un minuscule pendentif en forme d’éléphant d’ivoire (tellement ancien !), etc. Et la conclusion que la matière inanimée dure plus que nous.
La radio diffuse une voix de femme : « Les enfants vous pardonnent beaucoup parce qu’ils aiment manger. » N’écoutons pas la suite un peu navrante qui se voudrait saupoudrée d’humour.
Par la fenêtre, en imperméable, une silhouette indéfinissable traite son chien comme soi-même.
À travers la rue va et vient l’absence de véhicules des dimanches.
Gris des trottoirs. Bas des façades pisseux. Portes closes.
La matière sans l’étincelle de l’esprit se pavane au sein des phrases, mais aussi nue de poésie qu’un faisan plumé. Ce n’est qu’à travers nous qu’elle semble méditer sur son propre silence. Et rêver – en couleurs !
Tandis que le temps gère mille choses selon mille rythmes différents.
Et que ce qui existe indifféremment décline laideurs et beautés désolantes.
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Modernité
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Des mains comme des ruines
Des poèmes comme des ruines
Des espoirs comme des ruines
Des souvenirs comme des ruines
Des choses sans noms comme des ruines
Des continents comme des ruines
Et le futur comme un regret.
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Huit graffitis sur l'interminable
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Constamment tu t'entêtes à mesurer l'existence des choses à l'aune de tes rêves. Tu compares la carpe et le lapin – refusant que les marier soit impossible.
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Pour les grands penseurs, sans peur et sans reproches, ce n'est pas une grande affaire. Pour un petit penseur tel que toi, l'affaire est immense. Épuisante.
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Qui ne se désespérerait pas d'être si peu fûté, qu'en voulant serrer la réalité au plus près, à l'instar du skipper qui voudrait remonter au vent, ses formules en deviennent absconses.
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J'ai pris tes mains dans les miennes, tes mains par l'hiver froidies, et dans tes yeux j'ai lu la gravité des bûcherons lorsqu'ils examinent les arbres pour évaluer le délai à prévoir.
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Ce sont notations décousues, pareilles à ces graffitis qu'on lit parfois sur les tombes ou dans les toilettes des stations en bord d'autoroutes : la vie, surgie dans son elliptique crudité.
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Sur des milliers de pièces de langage d'une nature mal définie, quelle puissance invoquer qui nous fasse la grâce que subsiste, intact parmi tant de cendres, un poème incombustible ?
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Lorsque le vent nous fait frissonner en apportant la voix fraîche de celle qu'on aime, comment n'être pas saisi de l'impression mystique que ce monde est complice de nos sentiments ?
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Avec un certain désespoir, il refusait à toutes forces de se relire, navré de n'avoir travaillé des jours, des années, à façonner l'or du silence, que pour finir joaillier d'une parole d'argent oxydable.
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Pas même une question
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Oh le sens de ce monde où l'on ne peut
ni naître de la naissance
ni mourir de la mort
d'un autre !
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Loin là-haut pleut la cendre des origines
qui n'a pas encore de nom
Semence qui germe au sein des océans
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Songeant à ce genre de choses
je n'arrive pas à ce ton enjoué
ce ton optimiste
de ceux de mes amis qui jonglent
avec les mots et les figures
(L'anaphore est très à la mode en ce moment
jointe à l'antanaclase
paronomase et approximations diverses)
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Entre la rive naître et la rive mourir
la vie indisciplinée
la vie torrentielle
dont la lumière s'écoule en nous faisant
miroiter l'espoir d'un sens
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En revenant de la poste
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Deux mains invisibles glacent tes joues
puis s'éloignent avant que d'autres les imitent
Des sautes de vent secouent la dentelle du soleil
aux ramilles des paulownias de l'avenue
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On a l'impression que les mains d'une fée d'autrefois
posent leur fraîcheur sur ta face enfiévrée
Rêves ressurgis des heures d'un enfant malade
d'un enfant bizarre inapte à la survie
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L'angoisse de ta mère te fait accélérer le pas
pour penser à autre chose Regarde au berceau
ce visage harmonieux de bambin Quels yeux profonds
De sa poussette il t'observe et te comprend
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À présent tu songes à Silvia Plath et Assia Wevill
Les amantes des poètes sont-elles forcément assombries
La nounou du bébé aux yeux profonds achète des bananes
choisies sur l'éventaire débordant d'un épicier chinois
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Elle paye - reprend la poignée chromée du landau
Tu t'écartes Elle s'éloigne avec un sourire contraint
Ce n'est pas le genre de femme-poète à se suicider
Elle n'est pas laide mais n'affiche pas grande finesse
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Tu suis un moment du regard le petit visage emmitouflé
Au fond son intelligence n'a pas servi l'humanité.
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En vadrouille
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Monter à travers les bois avec Jeannot
garde-champêtre – dans l'espoir d'observer
ces drôles de petits zèbres que sont les marcassins
voilà qui ressemble assez au bonheur
Le baou gris acier quasiment sur nos têtes
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En bas le lacet argenté du Loup
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Ravins de végétaux vertigineux Les yeux
au précipice buissonneux jaugent la chute
Le soleil s'empare des ailes d'un rapace
le temps d'un cri ou deux ou cligne au fond
du vallon qui s'ouvre à l'horizon sur la mer
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Les souliers s'impriment dans le sentier humide
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Divers arbustes odoriférants lentisques romarins
argousiers mêlent leurs haleines et s'agitent au rythme
imperceptible des fougères quand survient midi
La splendeur bleue des montagnes tremble de chaleur
Puis assis à l'ombre : casse-croûte et bière rafraîchie
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grâce au premier ruisseau qui se souvient des neiges
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Quand se déchire l'oubli
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Et l'on s'y attend le moins – que voici
étourdissant vous tomber sur l'esprit serres
en avant de diamant acérées le rapace Souvenir
aquilin de profil ainsi qu'un dieu inca
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Le précieux instant de tes lèvres
Un goût de sang pour la première fois sur les miennes
Et toutes ces violences hormonales
qui vous emportent fétu en un tourbillon de tornade
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Pino Sylvestre était ton parfum en ce temps-là
Les Tuileries à traverser main dans la main au printemps
et de nuit sous les ponts la kéna multipliant ses échos
s'imaginait face à la paroi du Huascaran
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Allongés sur les toits de Notre-Dame face à l'infini bleu
Les cloches quand venait l'heure toussaient de bronze
crachant des nuées de touterelles effarouchées
Mais vite elles revenaient piétiner les grimaces des gargouilles
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Rien ne se peut comparer aux jours d'union
parfaite et pure des amants pareils à deux rivières
qui ont au confluent mêlé leurs eaux et déjà
sinuent sans le savoir à travers les reliefs de leur avenir
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Matinée dans Paris
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Un peu de soleil à cette heure à sept heures
avec le matin des oiseaux
Une cheminée humide prend le vent
Il a plu cette nuit sans doute
c’est pourquoi l’air est net dans la distance
et les façades radieuses
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Lorsque la Seine ouvre de grands yeux transparents
et que Paris s’enveloppe de lumière émerveillée
combien la poésie semble un art pauvre
Sur la pierre tiède des quais on s’assied On rêve
à la pointe de l’île parmi les saules retombants
On a l‘illusion que tout l’univers est apaisé
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Un peu de soleil à cette heure à sept heures
avec le matin des oiseaux
Les doigts des cheminées pointent vers le ciel
où lentement passe une barque de vapeur
d’où dépassent les têtes de chérubins
que je suis seul à voir
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L’air est net dans la distance
Les façades radieuses alignent leurs souvenirs
sculptés de siècles anciens
En nous promenant dans cette ville
ce qu’on voit rejoint ce qu’on voyait jadis
Ô réconfortant sentiment d’immortalité !

 

 

 

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commentaires

M
je pense à toi à l'hôpital
Répondre
V
je lis et relis et relie<br /> c'est beau<br /> que te disais-je du parfum ? pino Silvestre<br /> en ce moment c'est insolence qui sent la violette de Guerlain
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